Qui est le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS)?
Claudiu Popa
* Un article tiré de la thèse doctorale (avec adaptations) : Claudiu POPA, Collecte de preuve et enquête étatique à l’ère de l’écosystème "police, services de renseignement, corporations privées". À la recherche d’une protection des droits fondamentaux de la personne, thèse de doctorat, Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et Faculté de droit et science politique de l’Université de Bordeaux, 2024.
Avant le SCRS, c’était le SS canadien
« Au Canada, les activités de renseignement intérieur étaient originairement assumées par la GRC[1] [Gendarmerie royale du Canada], l’agence chargée du maintien de l’ordre, au moyen de son Service de Sécurité ("SS")[2], dont ses activités n’étaient pas régulées par un cadre légal[3]. À la suite de plusieurs scandales publics et d’abus de la part du SS canadien, nommément de pratiques illégales, incluant des écoutes électroniques non autorisées ou des infractions de vol[4], le SS canadien a été "dissout" et un "rebranding", accompagné d’efforts de refonte d’image et un repositionnement public se sont opérés par la "création" du SCRS à sa place, une agence civile de renseignement[5] dans le but de "séparer les fonctions de renseignement" de celles "d’investigation reliées au maintien de l’ordre".
Il était toutefois permis au SCRS de collaborer et de partager des informations avec la GRC, la coopération entre les deux étant prévue depuis l’institution du SCRS en 1984[6]. Le SCRS recueillait et communiquait "des renseignements au sujet des menaces à la sécurité du Canada et la GRC [exerçait] les fonctions d’exécution de la loi que lui [conférait] son mandat relativement aux mêmes menaces"[7] »[8].
Un large mandat
« Le mandat du SCRS, délimité dès lors par un cadre législatif spécifique, était de collecter et d’analyser des informations, d’aviser le gouvernement sur la base de cette analyse, ainsi que d’établir des ententes avec des organes provinciaux et d’autres États étrangers[9] :
"Le Service recueille, au moyen d’enquêtes ou autrement, dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les informations et renseignements sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au gouvernement du Canada et le conseille à cet égard".
Au fil du temps, différentes "lois antiterroristes" ont été adoptées et ont quelque peu modifié les objectifs du SCRS [élargissant] la définition des "menaces envers la sécurité du Canada"[10], augmentant l’éventail de situations dans lesquelles l’organisme était autorisé à intervenir, sans toutefois définir concrètement le terme "sécurité", laissant place à une interprétation large et englobante, qui vient avec des risques. Cette liste de menaces envers la sécurité du Canada constitue essentiellement une énumération de motifs de déclanchement officiel d’enquêtes ou de vérifications, dont les fruits peuvent ultimement être transférés à la police, justifiant l’utilisation de nombreuses ressources mises à la disposition des services par la nouvelle infrastructure numérique […] (ex : ouvrir la caméra ou le microphone du téléphone intelligent de la personne visée, interception des télécommunications, géolocalisation, identification biométrique et comportementale, opérations financières, etc.) »[11].
Espionner et partager
« Parallèlement à l’extension du mandat des services, un autre élément essentiel a suivi le même chemin : la coopération et le partage d’informations entre les services et les autres institutions étatiques chargées de l’application de la loi. Depuis 2001, le réseau de coopération du SCRS a commencé à inclure non seulement la GRC, aujourd’hui encadrée par la Direction des renseignements criminels, dont le mandat vise notamment la surveillance des réseaux d’action criminelle, les enquêtes criminelles et la collecte de preuve en cas de poursuites au criminel[12], mais aussi les forces de police des autres paliers gouvernementaux : "the ambit of CSIS-police ties has been somewhat extended to include municipal forces as well as provincial units in Quebec and Ontario (neither of which contract out their policing function to the RCMP) "[13].
Le "lien de rapprochement" entre les services de renseignement et la police s’est resserré davantage par la création d’un nouveau ministère[14], regroupant le SCRS et la GRC, le Ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile[15], dont le mandat a été décrit de manière très large et englobante : "la sécurité du Canada sur tous les plans, allant des catastrophes naturelles aux crimes et au terrorisme"[16]. La coopération est d’autant plus renforcée par le programme commun établi par le Ministère applicable à toutes les entités qu’il regroupe dans son portefeuille[17]. Ce but de coopération et de rapprochement entre les différents organismes et entités gouvernementales au sein de l’administration gouvernementale est réaffirmé par la Politique canadienne de sécurité nationale[18], suivant laquelle :
" [l]es ministères et organismes doivent collaborer étroitement et, le cas échéant, partager l’information utile dont ils disposent. Il doit aussi exister une structure grâce à laquelle les résultats d’une analyse intégrée puissant être rapidement transmis à ceux qui en ont besoin pour agir. Nous ne pouvons permettre que des silos organisationnels entravent notre capacité de repérer, pour y réagir, les menaces à la sécurité du Canada"[19] »[20].
« La structure coopérationnelle prévue par la Politique canadienne de sécurité nationale est également mise en place par la création du Centre intégré d’évaluation du terrorisme (anciennement connu sous le nom du Centre intégré d’évaluation de la menace) [qui] a comme but de faciliter le partage d’information entre les services de renseignement et les services de police[21], "[i]ntelligence and police liaison [being] also a central feature of the Integrated National Security Assessment Centre"[22].
L’objectif du Centre est de produire des évaluations de la menace fondées sur des renseignements classifiés et des informations de sources ouvertes fournis par ses divers partenaires. Autrement dit, le rôle du Centre est de collecter des informations provenant de toutes sources, tirer des conclusions à la suite de l’analyse de ces informations, les traduire dans des évaluations qui étaient par la suite communiquées aux partenaires nationaux et internationaux, incluant notamment les services de renseignement nationaux et internationaux, les services de police nationale ou internationale, ou les membres du secteur privé[23] »[24].
Avec qui les espions du SCRS partagent-ils vos informations?
« Sous l’expression "partenaires nationaux et internationaux" du site Internet du gouvernement canadien se trouve une liste détaillée d’entités qui peuvent obtenir des informations collectées et analysées par le Centre, qui collabore tant avec des entités chargées de la sécurité nationale qu’avec des organisations qui ne sont pas investies de ces attributions. Parmi les partenaires canadiens, nous retrouvons les Forces armées canadiennes (FAC), l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le Ministère de la Défense nationale (MDN), le SCRS, le CST, la Police provinciale de l’Ontario, la Sécurité publique Canada, la GRC, la Sûreté du Québec, l’Agence du Revenu du Canada, le Service correctionnel Canada (SCC), le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), l’Agence du revenu du Canada, les Affaires mondiales Canada (AMC), le Bureau du Conseil privé, Affaires étrangères et Commerce international Canada, Transport Canada[25].
Parmi les partenaires internationaux, le Centre compte notamment l’Australia National Threat Assessment Centre, le New Zealand Combined Threat Assessment Group, le U.S. National Counterterrorism Center, le U.K. Joint Terrorism Analysis Centre[26]. Notons également que chacun de ces partenaires [a] son propre cadre législatif et [de] nombreuses ententes et conventions visant le partage d’informations avec d’autres entités nationales et internationales, à la fois publiques et privées »[27].
Protocoles de « coopération » avec d’autres agences
« La volonté de rapprocher les services de renseignement et les services de police peut être observée aussi en 2006, lorsqu’un nouveau protocole de coopération est signé entre le SCRS et la GRC[28], qui vise les moyens permettant d’accroître la coopération entre les deux organismes, les principes et les mécanismes d’échange d’information, ainsi que le type d’information échangée[29], entre autres[30].
Ce protocole s’inscrit parmi autres nombreuses ententes conclues par le SCRS entre 2006 et 2007[31], dont 35 avec des partenaires canadiens et 271 avec des organismes de 147 autres pays[32], suivant l’application des articles 13 et 17 de la Loi sur le SCRS. Notons également que durant la même année, la GRC comptait elle-même plus de 1000 protocoles d’entente avec d’autres organismes, portant notamment sur le partage de technologie et de services policiers, ainsi que sur le partage de données comme les empreintes digitales, les casiers judiciaires et l’ADN[33].
Toutefois, certaines relations et arrangements de partage d’information ont été établis avec "de nombreux autres services policiers au Canada et à l’étranger", en l’absence d’ententes écrites officielles[34] puisque certains organismes, "surtout les organismes de renseignement de sécurité, refusent de conclure des accords écrits; ils préfèrent compter sur des accords verbaux et les normes professionnelles au sein du milieu de l’application de la loi et du renseignement pour protéger leur information"[35] »[36].
La loi « antiterroriste » de 2015, une catastrophe pour les droits et libertés de l’individu
« Dans le même sens de favorisation des communications entre les différents acteurs publics étatiques, la Loi canadienne antiterroriste de 2015[37] édicte la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada[38] ayant comme objet
"d’encourager les institutions fédérales à communiquer entre elles de l’information et de faciliter une telle communication, afin de protéger le Canada contre des activités portant atteinte à la sécurité du Canada"[39].
Alors que la définition d’"activité portant atteinte à la sécurité du Canada" comprenait en 2015 une "activité qui porte atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l’intégrité territoriale du Canada ou à la vie ou à la sécurité de la population du Canada", à l’exclusion expresse des "activités de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique" (art. 2, Loi antiterroriste de 2015), depuis 2019 cette exclusion a été retirée au complet de la disposition et la définition a été élargie pour inclure également une activité qui menace la vie ou la sécurité "de toute personne physique qui a un lien avec le Canada et qui se trouve à l’étranger"[40]. […] [O]n élargit la portée limitée et particulière d’une disposition pour l’appliquer à une plus large échelle : des dispositions limitées à effet restreint sont adoptées pour ensuite élargir leur portée, ultérieurement.
La Loi antiterroriste de 2015 prévoit d’ailleurs une liste d’institutions fédérales ayant l’autorisation de communiquer entre elles des renseignements personnels des personnes d’intérêt, soit : l'Agence canadienne d’inspection des aliments, l'Agence de la santé publique du Canada, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, l’Agence du revenu du Canada, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, le ministère de la Santé, le Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD), le ministère des Finances, le ministère des Transports, les Forces armées canadiennes, le ministère de la Défense nationale, le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, l’Agence des services frontaliers, le CST, le SCRS et la GRC[41]. Autrement dit, des données numériques collectées ou obtenues par les services de renseignement à l’aide notamment de la nouvelle infrastructure numérique peuvent être partagées avec les services de police en raison du rapprochement interinstitutionnel mis en évidence plus haut, afin de servir comme élément de preuve devant la Cour criminelle de première instance »[42].
Les espions du SCRS, des participants aux enquêtes criminelles « menées » par les services de police au niveau local
« Par leur partage de renseignements, les institutions fédérales [changent] leur nature et deviennent des acteurs participatifs aux enquêtes criminelles "menées" par les services de police au niveau local, pouvant leur fournir accès à un plus grand nombre d’informations, notamment en matière d’impôt sur le revenu, de transport ou de santé (dossier médical), étant jusqu’à là des informations strictement confidentielles, protégées par la loi[43]. Depuis l’entrée en vigueur de la loi et jusqu’en 2019, toute personne communiquant de l’information de bonne foi en vertu de la loi bénéficiait de l’immunité en matière civile[44]. Sur le même sujet, à cette loi s’ajoutent d’autres lois fédérales et provinciales qui s’appliquent en matière de protection des renseignements personnels visant les institutions fédérales[45] ou les organismes publics provinciaux[46], dont notamment la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale[47] et la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels provinciale québécoise[48] »[49].
Les lois « protectrices » ne protègent pas vraiment
« Notons que la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels provinciale québécoise autorisait déjà les organismes publics québécois à communiquer des renseignements personnels qu’ils détiennent, sans le consentement de l’individu, dans plusieurs situations, notamment lorsque la communication est faite au "Directeur des poursuites criminelles et pénales si le renseignement est nécessaire aux fins d’une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec" (article 59 al. 2(1)), si la communication est faite "à une personne ou à un organisme qui, en vertu de la loi, est chargé de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est nécessaire aux fins d’une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec" (article 59 al. 2(3)), si la communication est faite "à une personne impliquée dans un événement ayant fait l’objet d’un rapport par un corps de police ou par une personne ou un organisme agissant en application d’une loi qui exige un rapport de même nature, lorsqu’il s’agit d’un renseignement sur l’identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement" (sauf exception, article 59 al. 2(9)). De plus, la loi autorise un organisme public à communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, "à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l’application d’une loi au Québec" (article 67) et autorise un organisme public, toujours sans le consentement de la personne concernée, à communiquer un renseignement sur l’identité d’une personne dans le but "de recueillir des renseignements personnels déjà colligés par une personne ou un organisme privé" (article 66). La loi permet également à un corps de police de communiquer des renseignements personnels qu’il détient à un autre corps de police, sans le consentement de la personne concernée (article 61) »[50].
« La Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale autorisait également la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale, sans le consentement de l’individu, dans une multitude de cas, notamment lorsque la communication était "exigée par subpoena, mandat ou ordonnance d’un tribunal, d’une personne ou d’un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements ou exigée par des règles de procédure se rapportant à la production de renseignements" (article 8(2)c)), lorsque la communication était exigée par des "poursuites judiciaires intéressant […] le gouvernement fédéral" (article 8(2)d)), lorsque la communication était "en vue de l’application des lois ou pour la tenue d’enquêtes licites, aux termes d’accords ou d’ententes conclus" entre le gouvernement canadien ou l’un de ses organismes et une autre entité (ou l’un de ses organismes) comme le gouvernement d’un État étranger, une organisation internationale d’État ou de gouvernements ou le gouvernement d’une province, entre autres (article 8(2)f)).
La communication est également autorisée sans le consentement ou même la connaissance de la personne visée lorsqu’elle était exigée par un "organisme d’enquête déterminé par règlement et qui en fait la demande par écrit, en vue de faire respecter des lois fédérales ou provinciales ou pour la tenue d’enquêtes licites" (article 8(2)e)). L’expression "organisme d’enquête" visée par l’article 8(2)e) de la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale, déterminé par le Règlement sur la protection des renseignements personnels[51], comprend notamment la Direction de la sécurité préventive et du renseignement du Service correctionnel du Canada, la Direction des enquêtes criminelles de l’Agence du revenu du Canada, la Division de l’exécution de la loi pour services intérieurs de l’Agence des services frontaliers, la Direction des opérations relatives au renseignement et au ciblage de l’Agence des services frontaliers, la Division des enquêtes criminelles de l’Agence des services frontaliers, la GRC et le SCRS [52].
Une tendance se dessine clairement : on édicte une règle à portée vertueuse, large et générale, par exemple à l’effet de dire que les renseignements personnels sont confidentiels et protégés, et on prévoit ensuite des dizaines d’exceptions qui nullifient essentiellement le postulat initial de protection. Autrement dit, l’exception devient la règle et la règle devient l’exception »[53].
Encore plus de pouvoirs
« Par ailleurs, les prérogatives du SCRS ont été élargies en 2019 par la Loi sur la sécurité nationale de 2017[54] qui octroie notamment un pouvoir discrétionnaire plus grand aux agences de renseignement dans la collecte et l’utilisation des informations et facilite le partage d’informations entre les organismes de renseignements et les ministères du gouvernement canadien. Le SCRS bénéficie ainsi d’un régime moins restrictif, l’autorisant à collecter, à conserver et à utiliser des ensembles de données personnelles des Canadiens qui ne faisaient pas l’objet d’une enquête, "non liés à la menace"[55] de la sécurité nationale, mais qui pourraient avoir une pertinence dans la réalisation du mandat du SCRS[56] :
"le Service peut recueillir un ensemble de données s’il est convaincu que l’ensemble de données est utile dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu des articles 12 à 16. […]
[et qui] comporte principalement des informations liées à des personnes qui ne sont pas des Canadiens et qui se trouvent à l’extérieur du Canada. (notre soulignement)" »[57].
« L’analyse de données constitue d’ailleurs "l’un des principaux outils d’enquête du SCRS. Cet outil lui permet d’établir des liens et de cerner des tendances, ce qui ne serait pas possible avec des méthodes d’enquête traditionnelle"[58]. À cela s’ajoute l’autorisation du SCRS à intercepter des conversations et à utiliser des techniques d’écoute électronique, sur obtention d’un mandat judiciaire octroyé pour des "motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire pour permettre au Service de faire enquête, au Canada ou à l’extérieur du Canada, sur des menaces envers la sécurité du Canada"[59]. Le nouveau cadre juridique élargi également les pouvoirs de réduction de la menace du SCRS (Loi sur la sécurité nationale de 2017, art. 21.1), l’autorisant à porter atteinte aux droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés à l’insu des personnes visées[60], notamment à :
a) modifier, enlever, remplacer, détruire, interrompre ou détériorer des communications ou des moyens de communication;
b) modifier, enlever, remplacer, détruire, détériorer ou fournir tout ou partie d’un objet, notamment des registres, des documents, des biens, des composants et du matériel, ou en entraver la livraison ou l’utilisation;
c) fabriquer ou diffuser de l’information, des registres ou des documents;
d) effectuer ou tenter d’effectuer, directement ou indirectement, des opérations financières qui font intervenir ou qui paraissent faire intervenir des espèces ou des effets;
e) interrompre ou détourner, directement ou indirectement, des opérations financières qui font intervenir des espèces ou des effets;
f) entraver les déplacements de toute personne, à l’exception de la détention d’un individu;
g) se faire passer pour un autre personne, à l’exception d’un policier, dans le but de prendre l’une des mesures prévues aux alinéas a) à f). »[61]
Des pouvoirs abusifs?
« Ces autorisations du SCRS pour les activités de surveillance, ainsi que pour la perturbation des menaces autorisant essentiellement le SCRS à violer des lois canadiennes ou de restreindre des droits garantis par la Charte, sont émises par des juges désignés à la Cour fédérale[62]. En d’autres mots, la loi crée une zone grise juridique permettant au SCRS de contourner le cadre légal habituel établi par le régime de la Charte canadienne des droits et libertés.
La multiplication des prérogatives du SCRS dans les dernières années est patente, alors que l’image d’institution multitentaculaire rappelle son passé préalable au "rebranding" des années ’80. En effet, on autorise l’agence, entre autres, à élargir ses pratiques et à agir en conséquence des données collectées, ainsi qu’à collaborer de manière de plus en plus soutenue, en vertu notamment d’un cadre juridique national […], [avec] les autres institutions étatiques comme la GRC.
Ces changements ont essentiellement comme conséquence d’effacer la "délimitation stricte" établie en 1984 entre les fonctions des deux entités étatiques, dont le but était, entre autres, de prévenir ou de limiter le risque d’abus des pouvoirs octroyés. À la lumière de l’objectif de cette délimitation, en évident contraste avec les effets de la Loi sur la sécurité nationale de 2017, le droit ne semble pas subir une évolution en la matière, mais plutôt une involution, favorisant le retour à des pratiques initialement découragées il y a une quarantaine d’années.
Certes, le contexte socio-économique, différentes urgences, tout comme bien d’autres "scénarios" peuvent être invoqués temporairement sans conclure automatiquement à un recul ou une involution juridique en matière de protections constitutionnelles, mais ici il s’agit d’une cristallisation législative de pouvoirs de contrôle dont le caractère permanent peut inquiéter »[63].
En 2025, la communauté d’espions canadiens veut encore plus de pouvoirs
L’année 2025 constitue une autre année importante pour les agences d’espionnage canadiennes. Une année qui risque de changer une fois de plus le paysage législatif, en faveur de plus de pouvoirs intrusifs octroyés aux services d’espionnage et au détriment des droits fondamentaux et des libertés individuelles des canadiens.
D’une part, le gouvernement fédéral canadien pousse avec toute sa force vers l’octroi de plus de pouvoirs aux services de renseignement par le dépôt des projets de loi C-2[64] et C-8[65] qui permettraient de « légaliser » des comportements étatiques déjà considérés par les tribunaux comme étant illégaux.
D’autre part, plusieurs ex-employés des services de renseignement sont « sortis du placard » pour militer de façon concertée à travers différents médias en faveur de la création d’un nouveau service de renseignement canadien ou encore en faveur de l’élargissement des pouvoirs d’espionnage, y inclus sur les canadiens, et du partage de leurs informations avec des états étrangers. Pour lire davantage à ce sujet :
Les agences d’espionnage canadiennes veulent obtenir encore plus de pouvoirs. Et leur propre CIA. Qu’en est-il? (hyperlien à venir)
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[1] Qui collaborait avec son corolaire américain, l’American Federal Bureau of Investigation et avec lequel la GRC partageait des informations (Reg WHITAKER, « Spies who might have been: Canada and the myth of cold war counter-intelligence », dans Intelligence and National Security, vol. 12, no 4, Londres, Routledge, 1997, p. 38); la GRC échangeait des informations notamment avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande (Id., p. 32 et 33).
[2] Hugo COSSETTE, Dans l’ombre de la lumière : analyse de l’étendue des pouvoirs des services secrets canadiens (le SCRS), Recherche dirigée, Université Laval, 2000, p. 8.
[3] Sarah LORIATO, État de droit et lutte antiterroriste : étude parallèle des systèmes juridiques français et canadien quant à la collecte et au partage des renseignements, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2017, p. 26.
[4] Id., p. 26.
[5] APPROVISIONNEMENT ET SERVICES CANADA, Débats de la Chambre des Communes, 32e légis., 1er sess., vol. XXIII, 1983, p. 1272; COMITÉ DE SURVEILLANCE DES ACTIVITÉS DE RENSEIGNEMENT ET DE SÉCURITÉ, « Loi sur le SCRS », en ligne :<http://www.sirc-csars.gc.ca/csiscr/actloi-fra.html>.
[6] Wesley WARK, « Le lien entre le renseignement et la police. Étude de la coopération entre le Service canadien du renseignement de sécurité et la Gendarmerie royale du Canada, entre 1984 et 2006, dans le contexte de l’attentat contre le vol d’Air India », L’évaluation de la menace et la coopération entre la GRC et le SCRS, vol. 1, Ottawa, Commission d’enquête relative aux mesures d’investigation prises à la suite de l’attentat à la bombe commis contre le vol 182 d’Air India, 2010, p. 171, 191 et ss.
[7] CSAR, « Rapport du CSARS 2000-2001 », Publications.gc.ca, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2001, p. 26, en ligne : <https://publications.gc.ca/Collection/JS71-1-2001-5F.pdf> (consulté le 26 août 2021).
[8] Claudiu POPA, Collecte de preuve et enquête étatique à l’ère de l’écosystème "police, services de renseignement, corporations privées". À la recherche d’une protection des droits fondamentaux de la personne, thèse de doctorat, Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et Faculté de droit et science politique de l’Université de Bordeaux, 2024, p. X.
[9] Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.C. (1984), c. 21, art. 12.
[10] Loi sur le SCRS, art. 2.
[11] C. POPA, préc., note 8, p. 198 et 199.
[12] La GRC décrit son mandat et responsabilités comme suit : « Les responsabilités de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sont énoncées à l’article 18 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Le mandat de la GRC comporte de multiples volets, notamment prévenir la criminalité et mener des enquêtes; maintenir la paix et l’ordre; faire respecter les lois; contribuer à la sécurité nationale; veiller à la sécurité des représentants de l’État, des dignitaires en visite et des membres de missions étrangères; et fournir des services de soutien opérationnel vitaux à d’autres organismes de police et de l’application de la loi au Canada et à l’étranger » (nos soulignements) (GRC, Enquête publique sur l’ingérence étrangère. Rapport institutionnel – Gendarmerie royale du Canada, 22 mars 2024, p.2, en ligne : <https://commissioningerenceetrangere.ca/fileadmin/commission_ingerence_etrangere/Documents/Preuves_et_Presentations/Rapports_sommaires_et_institutionnels/CAN.DOC.000020.pdf>).
[13] Peter CHALK et William ROSENAU, Confronting the « Enemy Within ». Security Intelligence, the Police, and Counterterrorism in Four Democracies, Santa Monica, RAND, 2004, p. 28.
[14] Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, L.C. 2005, c. 10.
[15] Id., art. 5.
[16] GOUVERNEMENT DU CANADA, « À propos de Sécurité publique Canada », Securitepublique.qc.ca, en ligne : <https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/bt/index-fr.aspx>.
[17] GOUVERNEMENT DU CANADA, « Aperçu du portefeuille », Securitepublique.gc.ca, 28 avril 2022, en ligne : <https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/trnstn-bndrs/20220223/004/index-fr.aspx>.
[18] CANADA, Protéger une société ouverte : la politique canadienne de sécurité nationale, Ottawa, Bureau du Conseil Privé, 2004, p. 17, en ligne : <http://publications.gc.ca/collections/Collection/CP22-77-2004F.pdf>.
[19] Id., p. 20.
[20] C. POPA, préc., note 8, p. 199 et 200.
[21] Protéger une société ouverte : la politique Canadienne de sécurité nationale, préc., note 18, p. vii, viii, 13, 17, 20 et 49; Baljit S. CHADHA, Raymond SPEAKER, Roy ROMANOW et Gary FILMON, Vingt années de surveillance externe indépendante du renseignement de sécurité au Canada, Ottawa, Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, 2005, en ligne : <http://www.sirc-csars.gc.ca/opbapb/rfcrfx/index-fra.html>.
[22] Peter CHALK et William ROSENAU, « Security Intelligence in Canada », dans Confronting the ‘Enemy Within’ : Security, Intelligence, the Police, and Counterterrorism in Four Democracies, Santa Monica, RAND Corporation, 2004, p. 29.
[23] GOUVERNEMENT DU CANADA, « Centre intégré d’évaluation du terrorisme », Canada.ca, 30 juillet 2021, en ligne : <https://www.canada.ca/fr/service-renseignement-securite/centre-integre-devaluation-du-terrorisme.html>; GOUVERNEMENT DU CANADA, « ITAC’s Role », Itac-ciet.gc.ca, 12 juin 2013, en ligne : <https://web.archive.org/web/20130618161409/http://www.itac-ciet.gc.ca/bt/rl-eng.asp>.
[24] C. POPA, préc., note 8, p. 200 et 201.
[25] GOUVERNEMENT DU CANADA, « Integrated Terrorism Assessment Centre (ITAC) », Itac.-ciet.gc.ca, 12 juin 2013, en ligne : <https://web.archive.org/web/20130618161327/http://www.itac-ciet.gc.ca/prtnrs/index-eng.asp#cont>.
[26] GOUVERNEMENT DU CANADA, « International Co-operation », Itac-ciet.gc.ca, 12 juin 2013, en ligne : <https://web.archive.org/web/20130618161328/http://www.itac-ciet.gc.ca/ntrntnl_cprtn/index-eng.asp>.
[27] C. POPA, préc., note 8, p. 201 et 202.
[28] Baljit S. CHADHA, Gary FILMON, Raymond SPEAKER, Aldéa LANDRY et Roy ROMANOW, Examen opérationnel du Service canadien du renseignement de sécurité, Rapport annuel du CSARS 2006-2007, Ottawa, Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, 2007, en ligne : <https://www.canada.ca/fr/surveillance-activites-renseignement-securite/organisation/rapports-annuels/rapport-annuel-2006-2007/ententes-avec-organismes-canadiens-etrangers-rapport-annuel-2006-2007.html>.
[29] CHAMBRE DES COMMUNES CANADA, Réponse au dix-septième rapport du Comité permanent des comptes publics – La sécurité nationale : L’échange de renseignements et d’information, Noscommunes.ca, en ligne : <https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/40-2/PACP/rapport-17/reponse-8512-402-127> (consulté le 24 août 2021).
[30] GRC, Les mesures prises par la GRC suite aux recommandations découlant du rapport sur les événements concernant Maher Arar (La Commission O’Connor), Ottawa, Sécurité publique Canada, p. 6, en ligne : <https://www.securitepublique.gc.ca/lbrr/archives/cn30751-fra.pdf> (consulté le 24 août 2021).
[31] B. S. CHADHA, G. FILMON, R. SPEAKER, A. LANDRY et R. ROMANOW, Examen opérationnel du Service canadien du renseignement de sécurité, préc., note 28.
[32] Id.
[33] COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LES ACTIONS DES RESPONSABLES CANADIENS RELATIVEMENT À MAHER ARAR, Un nouveau mécanisme d’examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2006, p. 127.
[34] Id., p. 129.
[35] Réponses de la GRC aux questions posées par la Commission Arar aux fins de l’examen de la politique, le 16 juillet 2004, p. 35 et 36.
[36] C. POPA, préc., note 8, p. 202 et 2023.
[37] Loi antiterroriste de 2015, L.C. 2015, c. 20.
[38] Id., art. 2.
[39] Loi antiterroriste de 2015, art. 3.
[40] Loi de 2017 sur la sécurité nationale, L.C. 2019, c. 13, art. 115.
[41] Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, préc., note 38, art. 5 et annexe 3.
[42] C. POPA, préc., note 8, p. 203 et 204.
[43] S. LORIATO, État de droit et lutte antiterroriste : étude parallèle des systèmes juridiques français et canadien quant à la collecte et au partage des renseignements, préc., note 3, p. 34 et 35.
[44] Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, préc., note 38, art. 9. Depuis 2019, la disposition a été remplacée par l’imposition des obligations aux institutions fédérales qui communiquent et qui reçoivent de l’information en vertu de la loi (Loi de 2017 sur la sécurité nationale, préc., note 40, art. 119).
[45] Comme les ministères ou les départements d’État relevant du gouvernement canadien, notamment le Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, Ministère de la Défense nationale (y compris les Forces canadiennes), le Ministère de la Justice, le Ministère de la Santé, le Ministère de l’Emploi et du Développement social, le Ministère des Finances, le Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, le Ministère des Transports, l’Agence de la santé publique du Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, l’Agence du revenu du Canada, le Bureau du commissaire au renseignement, le Bureau du directeur des poursuites pénales, le Centre de la sécurité des télécommunications, la Commission canadienne des droits de la personne, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le Conseil de recherches en sciences humaines, le Ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, la GRC, le SCRS et autres (article 2, article 3 et Annexe de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale). Ces mêmes institutions fédérales sont également autorisées par la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, préc., note 38, art. 2, modifiée en 2019 (article 3 de la Loi) à communiquer « des renseignements sur la sécurité nationale, y compris des renseignements personnels, de manière proactive ou en réponse à une demande, à un groupe central de 17 institutions destinataires désignées », dont l'ASFC, l'Agence du revenu du Canada, le SCRS, le CST, la SQ du Canada ou la GRC (SÉCURITÉ PUBLIQUE CANADA, Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC) : Un guide étape par étape sur la communication d’information responsable, Gouvernement du Canada, Ottawa, 2022, p. 6, 10 et 51, en ligne : <https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/scida-lcisc-2022/scida-lcisc-2022-fr.pdf>).
[46] Comme le gouvernement québécois, le Conseil exécutif, le Conseil du trésor, les ministères québécoises, les organismes gouvernementaux, les organismes municipaux, les organismes scolaires, les établissements de santé ou de services sociaux, etc. (articles 3 à 7 Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels provinciale québécoise).
[47] L.R.C. (1985), c. P-21.
[48] L.C., c. A-2.1.
[49] C. POPA, préc., note 8, p. 204 et 205.
[50] C. POPA, préc., note 8, p. 205 et 206.
[51] DORS/83-508.
[52] Article 5a) et l’Annexe II du Règlement. De plus, tout comme pour la Loi antiterroriste de 2015, la personne qui communique des renseignements au nom de l’institution fédérale, de même que l’institution fédérale en question, bénéficient de l’immunité en matière pénale ou civile pour la communication « de bonne foi » selon la loi et pour « les conséquences qui en découlent » (article 74 Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale).
[53] C. POPA, préc., note 8, p. 206 et 207.
[54] L.C. 2019, c. 13.
[55] GOUVERNEMENT DU CANADA, « Impact de la Loi sur la sécurité nationale (2017) », Canada.ca, 24 novembre 2020, en ligne : <https://www.canada.ca/fr/service-renseignement-securite/organisation/transparence/document-dinformation/documents-de-transition/impact-de-la-loi-sur-la-securite-nationale-2017.html>.
[56] Loi sur la sécurité nationale de 2017, art. 97 et 102; Loi sur le SCRS, art. 11.05, 12, 12.1, 15, 16 et 21.
[57] C. POPA, préc., note 8, p. 207 et 208.
[58] OSSNR, Rapport annuel de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement 2022, Nsira.ossnr.gc.ca, 30 octobre 2023, par. 47, p. 11, en ligne : <https://nsira-ossnr.gc.ca/wp-content/uploads/NSIRA-Annual-Report-2022-FR.pdf>.
[59] Loi sur le SCRS, art. 21.
[60] Loi sur le SCRS, art. 21.1(1.1).
[61] C. POPA, préc., note 8, p. 208.
[62] Cat BARKER, Claire PETRIE, Joanna DAWSON, Samantha GODEC, Holly PORTEOUS et Pleasance PURSER, Surveillance des organismes de renseignement : comparaison des pays du « Groupe des cinq », Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2017, p. 73, en ligne : <https://lop.parl.ca/staticfiles/PublicWebsite/Home/ResearchPublications/Others/PDF/ISSN_2203-5249-f.pdf>.
[63] C. POPA, préc., note 8, p. 208 et 209.
[64] Loi concernant certaines mesures liées à la sécurité de la frontière entre le Canada et les États-Unis et d'autres mesures connexes liées à la sécurité, projet de loi C-2, 45e légis., 1ère sess., 2025, en ligne : ‹https://www.parl.ca/DocumentViewer/fr/45-1/projet-loi/C-2/premiere-lecture›.
[65] Loi concernant la cybersécurité, modifiant la Loi sur les télécommunications et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, projet de loi C-8, 45e légis., 1ère sess., 2025, en ligne : ‹https://www.parl.ca/LegisInfo/fr/projet-de-loi/45-1/C-8›.