Cain Lamarre : le cabinet qui a défendu l’Université de Sherbrooke dans le dossier révélant des stratagèmes dans l’octroi des contrats d’enseignement était un bénéficiaire de ces stratagèmes (Pt.3.1)
Claudiu Popa
Des bénéficiaires
Parmi les bénéficiaires des stratagèmes frauduleux d’embauche, utilisés notamment pour promouvoir par favoritisme la carrière de certains avocats au détriment des autres, se trouvent des avocats et des notaires du cabinet Cain Lamarre.
Comme nous l’avons vu précédemment, Mtre Stéphane Reynolds du cabinet Cain Lamarre avait déjà raconté comment il s’est fait embaucher à l’Université de Sherbrooke en tant que chargé de cours seulement 9 mois après avoir été assermenté en tant qu’avocat, malgré le fait qu’il ne rencontrait pas le minimum d’expérience requis de 5 ans de Barreau, norme que Mtre Reynolds invoquait lui-même dans son histoire.
Source : Cain Lamarre
Comme c’est souvent le cas lorsqu’on emploie ce type de stratagèmes, il aura suffi d’une seule contravention aux règles conventionnelles de la part de la direction facultaire pour créer un effet domino au bénéfice du candidat favorisé, qui jouit subséquemment d’autres avantages pécuniaires, professionnels et réputationnels : c’est sur la base de cette contravention à la règle des 5 ans que Mtre Reynolds a commencé à accumuler de l’ancienneté institutionnelle, ce qui lui a ensuite permis d’obtenir la « reconnaissance de qualification », ainsi que sa priorité d’emploi qui a essentiellement rendu ses postes d’enseignement permanents et assurés pour lui, année après année. Au bout de plus de 70 contrats d’enseignement que l’Université de Sherbrooke lui a octroyés, cet avocat de Cain Lamarre avait déjà ramassé un montant d’argent estimé à une valeur de plusieurs centaines de milliers de dollars en termes de contrats d’enseignement (en plus du réseau de contacts et de la bonification de son profil professionnel, que ces opportunités d’enseignement offrent généralement en milieu universitaire).
Plusieurs autres avocats et notaires du cabinet Cain Lamarre ont aussi bénéficié de tels stratagèmes qui leur ont apporté des avantages et bénéfices.
Par exemple, Mtre Charles Guay du cabinet Cain Lamarre, inscrit au Barreau du Québec en 2015, a été embauché en 2018 à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke par Sébastien Lebel-Grenier (doyen de 2011 à 2019) et par Marie-Pierre Robert (vice-doyenne de 2015 à 2019), en violation de la règle des 5 ans d’expérience professionnelle et/ou d’enseignement pertinents au domaine enseigné.
Source : Cain Lamarre
Dès 2013, Mtre Charles Guay avait agi à titre d’organisateur de collecte de fonds pour le bénéfice de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. L’année suivante, la direction facultaire l’intégrait déjà au corps enseignant de la Faculté de droit qu’il avait aidée à financer.





Par la suite, cet avocat de Cain Lamarre a participé à l’organisation de nombreuses autres activités de collecte de fonds et de réseautage au bénéficie de l’Université de Sherbrooke, réunissant des juges, des politiciens, des procureurs, des avocats et des gens d’affaires. Mtre Charles Guay avait aussi travaillé étroitement avec le doyen Sébastien Lebel-Grenier et ensuite avec le doyen Louis Marquis dans le cadre de l’Association des diplômées et diplômés en droit de l’Université de Sherbrooke (ADDUS) pour organiser ces événements de collecte de fonds et de réseautage.
(Autres photos à venir)
La direction facultaire embauchait ensuite Mtre Charles Guay comme chargé de cours, 3 ans seulement après son assermentation en tant qu’avocat, malgré le fait que cet octroi de contrat était en contravention du texte de la Convention collective qui exigeait 5 ans. Cet avocat de Cain Lamarre a ensuite représenté personnellement l’Université de Sherbrooke dans certains des dossiers qui révélaient le caractère frauduleux des stratagèmes dans l’octroi des contrats d’enseignement utilisés par les mêmes dirigeants qui l’avaient embauché comme chargé de cours en se servant de ces mêmes stratagèmes, dossiers dans lesquels Charles Guay avait un intérêt personnel.
L’historique de violations à la règle de droit en matière d’embauche au sein de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke s’étale sur une longue période de temps, remontant jusqu’au début de carrière des trois 3 doyens de la Faculté de droit Sébastien Lebel-Grenier, Louis Marquis et Marie-Pierre Robert, auxquels le grief reprochait (entre autres) des pratiques d’embauche préférentielles.
Ces trois doyens ont bénéficié eux-mêmes personnellement de ces pratiques frauduleuses et ont ensuite perpétué à leur tour ces pratiques au bénéfice de ceux qu’ils ont choisis comme avocats pour les représenter :
À ses débuts, tout comme son ami Stéphane Reynolds, le doyen Louis Marquis a été embauché comme chargé de cours en 1989 au sein de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke seulement un (1) an après avoir été assermenté comme avocat au Barreau du Québec en 1988;
Pareillement pour le doyen Sébastien Lebel-Grenier, qui a été, lui aussi, embauché comme chargé de cours en 1997 au sein de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke après seulement un (1) an de pratique en tant qu’avocat chez Stikeman Elliott (1993-1994), pendant que Louis Marquis était vice-doyen de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke;
La doyenne Marie-Pierre Robert a été, elle aussi, embauchée en début de carrière comme chargée de cours au sein de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke en 2001 (selon son CV) par le doyen de l’époque Louis Marquis (doyen de 2000 à 2004), un (1) an avant d’être assermentée comme avocate au Barreau du Québec en 2002 et alors qu’elle n’avait pas encore obtenu son diplôme de maîtrise en droit (diplôme obtenu en 2002 selon le même CV qu’elle nous a transmis en 2023 pour l’élire doyenne, extrait ci-dessous).
Note : En 2001, selon ce même CV, Marie-Pierre Robert prétend avoir été en même temps en Tanzanie (1. assistante juridique aux Nations Unies) et au Québec (2. étudiante à la maîtrise et 3. chargée de cours)… activités exercées toutes à temps plein… à une époque où la technologie ne permettait pas le travail à distance.
Il n’est alors pas surprenant que Marie-Pierre Robert et Sébastien Lebel-Grenier aient ensuite embauché Mtre Charles Guay de Cain Lamarre comme chargé de cours à la Faculté de droit en 2018, seulement trois (3) ans après avoir été assermenté comme avocat au Barreau du Québec (encore une fois, la raison pour laquelle cette conduite est répréhensible est, d’une part, le fait que la direction a violé les règles de la Convention collective et, d’autre part, qu’elle prétend ne pas violer ces mêmes règles, en plus du fait que la direction facultaire viole ces règles en faveur de certains et en la défaveur d’autres - sans offrir un traitement égal à tous).
En plus de Mtre Stéphane Reynolds et de Mtre Charles Guay, il y a d’autres exemples d’avocats et de notaires du cabinet Cain Lamarre qui ont bénéficié de l’octroi similaire de contrats d’enseignement :
Mtre Sophie Croisetière de Cain Lamarre, membre de la Chambre des notaires depuis 2019, a été embauchée en 2022 par Louis Marquis (doyen janvier 2020-décembre 2023), en violation de la règle des 5 ans. Elle a été réembauchée en 2023.
Mtre Catherine Beaumier-Dupont de Cain Lamarre a été embauchée en 2020 par Louis Marquis sur la base de la « procédure interne d’embauche » de la Faculté de droit qui n’existait pas. Elle a été réembauchée en 2021, en 2022 et en 2023.
Mtre Catherine Béland de Cain Lamarre a été embauchée en 2019 par Sébastien Lebel-Grenier et par Marie-Pierre Robert sur la base de la « procédure interne d’embauche » de la Faculté de droit qui n’existait pas. Elle a été réembauchée en 2020, en 2021, en 2022 et en 2023.
Mtre Rosemarie Bouchard de Cain Lamarre a été embauchée en 2018 par Sébastien Lebel-Grenier et par Marie-Pierre Robert sur la base de la « procédure interne d’embauche » de la Faculté de droit qui n’existait pas. Subséquemment, Mtre Bouchard a été embauchée de manière permanente par l’Université de Sherbrooke comme conseillère juridique.
Mtre François Bouchard de Cain Lamarre, père de Mtre Rosemarie Bouchard, a été embauché en 2017 par Sébastien Lebel-Grenier et par Marie-Pierre Robert sur la base de la « procédure interne d’embauche » de la Faculté de droit qui n’existait pas.
Mtre Pascal Porlier de Cain Lamarre a été embauché en 2022 par Louis Marquis sur la base de la « procédure interne d’embauche » de la Faculté de droit qui n’existait pas. Il a été réembauché en 2023 et en 2024.



Un cabinet d’avocats bénéficiaire de stratagèmes frauduleux, qui défendait les stratagèmes de ceux qui lui ont donné des bénéfices au moyen de ces stratagèmes
Des avocats et des notaires du cabinet Cain Lamarre avaient bénéficié pendant des années des stratagèmes de ces dirigeants de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke (décrits dans les deux premiers articles) et continuaient d’en bénéficier pendant que le cabinet Cain Lamarre défendait ces dirigeants et leurs stratagèmes dans l’octroi des contrats d’enseignement dans les dossiers qui révélaient leur caractère frauduleux.
L’intéressement personnel du cabinet Cain Lamarre dans le dossier de grief de sa cliente, l’Université de Sherbrooke, était manifeste puisqu’il défendait essentiellement les embauches de ses propres avocats et notaires à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, défendant donc sa propre cause dans la cause de sa cliente.
Or, l’article 20 du Code de déontologie des avocats impose un devoir de désintéressement envers son client, qui oblige l’avocat et son cabinet d’être détachés de tout intérêt personnel envers leur client :
Article 20 : L’avocat a, envers le client, des devoirs […] de désintéressement […].
Cain Lamarre avait aussi d’autres intérêts personnels dans le dossier de sa cliente : (1) conserver le lien d’emploi de ses avocats et notaires avec leur cliente l’Université de Sherbrooke, (2) confirmer la légalité du processus d’embauche et par conséquent des embauches de ses avocats et notaires, (3) éviter que l’embauche de ses avocats et notaires soit associée à l’image de népotisme, de favoritisme ou de clientélisme facultaire, (4) éviter que l’embauche future de ses avocats et notaires soit négativement impactée par le sort du litige. Pourtant, la règle de droit et la jurisprudence interdisaient formellement à Cain Lamarre de représenter sa cliente Université de Sherbrooke dans de telles circonstances.
La règle de droit imposait également une obligation de sauvegarder son indépendance professionnelle (article 13 Code de déontologie des avocats), obligation qui s'inscrit au coeur du respect de l’intégrité du système judiciaire, tel qu’établi par les tribunaux :
« Même s'il agit comme représentant d'une partie, [l'avocat] doit remplir ce rôle de façon à ce que l'ensemble des parties puissent bénéficier d'un procès impartial au sens de l'article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés […]. Le rôle de l'avocat est délicat dans le processus judiciaire. Il doit agir avec efficacité dans sa fonction de représentation. […] Elle doit être aussi loyale tant vis-à-vis l'autre partie qu'envers le tribunal pour préserver la qualité et l'intégrité du procès civil ou criminel. L'exécution intégrale de ce rôle impose une certaine distanciation de la fonction de l'avocat à l'égard de son client et de la cause qu'il défend. Elle suppose le respect d'une valeur d'indépendance dans sa relation avec son client et le tribunal » [1].
Le cabinet Cain Lamarre avait donc aussi l’obligation de maintenir une distanciation à l’égard du dossier de sa cliente et de la cause qu’il défendait [2]. Les tribunaux décrivent cette obligation de distanciation comme étant le maintien d’« une distance lui permettant de ne pas confondre son intérêt avec celui qu'il représente » [3]. Or, l’intérêt du cabinet Cain Lamarre était indissociable de celui de sa cliente Université de Sherbrooke parce que son dossier visait des stratagèmes frauduleux dont des avocats et des notaires du cabinet avaient bénéficiés. Concrètement, cette distanciation n’existait pas. De plus, au moment du déroulement du dossier, 86% des avocats et des notaires du cabinet Cain Lamarre de Sherbrooke étaient les diplômés de la cliente de ce cabinet et des membres de l’Association des diplômées et diplômés en droit de l’Université de Sherbrooke (ADDUS) où leur collègue de Cain Lamarre, Mtre Charles Guay, était le vice-président depuis près d’une décennie, au sein de leur cliente. Le cabinet Cain Lamarre de Sherbrooke donnait l’impression d’être l’Université de Sherbrooke “déguisée en cabinet d’avocats” et la situation criait absence de distanciation.
« La quasi-totalité d’entre nous a étudié à Sherbrooke, c’est notre alma mater. On a un attachement particulier envers la Faculté » [4]
(Mtre Stéphane Reynolds, décrivant autrefois le haut degré d’appartenance des avocats finissants de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke envers la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke).
À ce contexte de consanguinité professionnelle entre client et cabinet d’avocats s’ajoutait le fait que les dirigeants facultaires visés par le litige étaient aussi des amis, proches collaborateurs ou connaissances de longue date des avocats du cabinet Cain Lamarre (voir la procédure, plus bas). Or, les tribunaux ont déjà déclaré inhabile une avocate qui affichait (comme dans le cas de Cain Lamarre et leur cliente) « une proximité fort étroite, entre [l’avocate] et sa cliente, de nature à entacher l'indépendance avec laquelle elle doit, dans le meilleur intérêt de la justice, exercer ses fonctions auprès de la Cour » [5].
La demande en déclaration d’inhabilité
Une demande en déclaration d’inhabilité a été déposée à l’encontre de ce cabinet en septembre 2023, considérant notamment que la protection de l’intégrité du système judiciaire « sous-tend l’idée que les cours de justice doivent demeurer vigilantes à l’égard du respect des règles déontologiques et des principes éthiques » des avocats, tel qu’enseigné par la Cour d’appel du Québec [6]. Une telle procédure en cours d’instance visait à protéger l’intégrité du système judiciaire considérant l’intérêt personnel du cabinet dans le dossier de sa cliente (contrairement à l’obligation déontologique de distanciation, d’objectivité et de désintéressement) et les liens personnels et professionnels qui dépassaient la relation avocat-client.

















Lorsque des enjeux d’inhabilité sont soulevés (et avant que le juge ne déclare l’inhabilité du cabinet d’avocats), le cabinet visé a la possibilité de se retirer du dossier et laisser sa place à un autre cabinet d’avocats.
Ces enjeux ont été soulevés au cabinet Cain Lamarre, mais le cabinet a refusé de se retirer du dossier et s’y est accroché à tout prix.
Bien qu’inacceptable, ce geste n’a pas été des plus surprenants étant donné le « casier judiciaire » en matière d’inhabilité du cabinet Cain Lamarre. Les antécédents reliés à l’inhabilité de Cain Lamarre étaient notoires, ne concernant pas seulement le dossier de l’Université de Sherbrooke, mais aussi d’autres dossiers judiciarisés appartenant à d’autres clients.
Des antécédents du cabinet Cain Lamarre en matière d’inhabilité et de manquements déontologiques
Il s’agit d’un cabinet d’avocats qui fait constamment l’objet de demandes en déclaration d’inhabilité, dont on peut répertorier facilement plus d’une trentaine, pour un large éventail de motifs [7], dont : s’être placé en situation de conflits d’intérêts par la représentation d’intérêts divergents ou opposés, ayant agi d’une manière qui déconsidère l’administration de la justice et qui dénote un manque de distanciation, se servir d’une procédure judiciaire dans le but de nuire à l’une des parties, coaliser deux parties contre une autre, des interventions du cabinet possiblement constitutives de dol à l’égard de l’une des parties en litige, des manquements au devoir d’assurer l’apparence de justice, manque de transparence, complicité avec son client qui a nui à l’autre partie, non-respect de l’intégrité du système judiciaire, avoir accepté un mandat lorsqu’un lien de connexité existait entre le mandat que le cabinet a exécuté dans le passé et que le mandat actuel s’opposait à son ancien client, défaut du système interne du cabinet de détecter des conflits d’intérêts à l’ouverture d’un dossier, témoignage projeté de certains de ces avocats dans le dossier de leur client, bris de confidentialité des renseignements obtenus dans l'exercice de la profession d'avocat, défaut de mettre en place une « muraille de Chine », non-respect du devoir de loyauté à l’égard d’un client, etc.
Mtre Charles Guay de Cain Lamarre (qui agissait dans les dossiers de l’Université de Sherbrooke concernant les règles d’embauche des chargés de cours dont il avait lui-même bénéficié) avait fait l’objet d’une demande en déclaration d’inhabilité [8] et d’une annonce d’intention de déposer une telle demande dans le cadre de deux dossiers distincts, de la part de deux parties en litige distinctes. Dans le cas de la demande annoncée contre Mtre Charles Guay, il était avocat chez Cain Lamarre et le dossier a été assigné à un juge ex-avocat de Cain Lamarre (Charles Ouellet de la Cour supérieure du Québec à Sherbrooke) [9], que Mtre Charles Guay qualifiait de « fondateur du bureau Cain Lamarre en Estrie » où Mtre Guay travaillait depuis des années et devant lequel Mtre Guay s’est présenté.
Source : Charles Guay, LinkedIn
Le cabinet Cain Lamarre a été déclaré inhabile à plusieurs reprises par les tribunaux pour des raisons similaires à celles pour lesquelles son inhabilité a été demandée dans le dossier de l’Université de Sherbrooke : manque de distanciation, manque d’objectivité et conflits d’intérêts.
Tout récemment, en 2024, la juge Nathalie Pelletier de la Cour supérieure du Québec a été saisie d’une demande en déclaration d’inhabilité visant le cabinet Cain Lamarre [10] en raison de l’existence d’un lien de connexité entre le mandat passé (la rédaction d’un contrat) et le mandat actuel du cabinet (représentation de l’une des parties au contrat dans un litige découlant de l’interprétation de ce contrat) qui impliquait le risque de divulgation d’informations confidentielles ou donnait l’apparence de conflit d’intérêts. Considérant que le cabinet avait fait défaut de prendre des mesures pour éviter toute apparence de conflit, la juge a déclaré le cabinet Cain Lamarre inhabile à représenter leur cliente :
« Le Tribunal rappelle que le critère est celui de l’apparence et non celui de la certitude de l’existence de conflit d’intérêts, c’est pourquoi on dit qu’un avocat ne doit pas accepter un mandat lorsqu’un lien de connexité existe entre le mandat qu’il a exécuté dans le passé et le mandat qu’il le ferait maintenant s’opposer à son ancien client. […] [l’avocat de Cain Lamarre] confirme qu’aucune muraille de Chine, au moment de l’introduction de la procédure, n’a été mise en place. Il offrait, cependant, de la mettre en place dès maintenant. Avec respect pour [l’avocat de Cain Lamarre], c’est avant d’accepter le mandat que la muraille de Chine doit être mise en place et non une fois que le mandat est accepté. Le Tribunal conclut que les liens de connexité entre les mandats passés et actuels exécutés par Cain Lamarre et les informations confidentielles qui ont été échangées lors de la rédaction dudit contrat peuvent être à la connaissance du cabinet. Considérant qu’aucune mesure raisonnable n’a été prise avant l’acceptation du mandat, afin que les renseignements confidentiels ne soient pas divulgués d’un avocat à l’autre, le Tribunal estime que le cabinet devra être déclaré inhabile également à occuper en l’instance. »
Dans la décision Centre commercial Rimouski inc. c. Ville de Rimouski, 2017 QCCS 6259, la juge Suzanne Ouellet de la Cour supérieure du Québec a déclaré le cabinet Cain Lamarre inhabile à agir après avoir constaté un conflit d’intérêts manifeste et un manque de distanciation du cabinet dans la gestion du dossier, qui compromettait l’intégrité du processus judiciaire : le cabinet avait d’abord représenté le demandeur et s’est ensuite retiré du dossier de son client en cours de route afin de représenter l’autre partie contre son ex-client. La juge a dénoncé la stratégie coordonnée que le cabinet Cain Lamarre avait orchestrée afin de nuire à une troisième partie en litige et protéger sa nouvelle cliente. La juge a dénoncé également le cabinet Cain Lamarre pour avoir été impliqué dans des stratégies visant à faire échec aux prétentions de cette troisième partie en litige, pour empêcher ou retarder ses revendications. La juge avait déterminé que cette conduite du cabinet Cain Lamarre déconsidérait l’administration de la justice et dénotait un manque de distanciation :
« l’étude Cain Lamarre qui a représenté BSL en demande représente maintenant la Ville en défense suite à l’appel en garantie entrepris par CCR, la défenderesse principale. […] Il s’agit du cas d’un client demandeur (BSL) qui voit son ancien avocat représenter dorénavant un autre client (la Ville) qui se trouve dans la position d’un défendeur contre lui. Cette situation de « chaise musicale » laisse perplexe. […] Le fait que l’étude Cain Lamarre ait répondu pour la Ville (en défense en garantie) aussitôt après avoir été remplacée (en demande) démontre que le cabinet traite le dossier dans le cadre d’une stratégie unifiée (fournisseurs-Ville) contre CCR. Le contexte répond à la notion de conflit d’intérêts définie aux articles 71 et 72 du Code de déontologie des avocats […] deux des entrepreneurs alors représentés par Cain Lamarre ont utilisé la procédure de faillite, pour faire échec aux prétentions et conclusions recherchées par CCR contre la Ville […]. Le même stratagème a d’ailleurs été utilisé par le cabinet Cain Lamarre en qualité de procureurs de BSL contre CCR. […] Cette façon de faire déconsidère l’administration de la justice et dénote un manque de distanciation. »
Dans la décision Dallaire c. Parent, 2003 CanLII 34925 (QC CS), le juge Jean Bouchard de la Cour supérieure du Québec a déclaré le cabinet Cain Lamarre inhabile à agir en raison d’un conflit d’intérêts et d’un manquement à son devoir de loyauté envers ses clients, qui compromettait l’intégrité du processus judiciaire. Le cabinet a représenté d’abord les défendeurs visant l’achat d’un immeuble et a ensuite représenté les demandeurs dans le cadre d’une poursuite intentée contre les défendeurs visant ce même immeuble :
« lorsque [le défendeur] parle pour la première fois à [l’avocat de Cain Lamarre qui représentait le demandeur], il informe ce dernier [qu’une autre collègue de Cain Lamarre] l'a déjà représenté dans un litige l'opposant à sa vendeuse et ayant pour toile de fond des vices cachés. De l'avis du Tribunal, [l’avocat de Cain Lamarre] aurait dû se retirer dès cet instant du dossier ou encore, mettre en place les mesures et mécanismes d'isolement obligatoires en vigueur chez Cain Lamarre. Tel que mentionné, ces mesures ont été prises un mois plus tard seulement […]. C'est là un accroc qui entache la confiance du public et qui peut laisser croire que des renseignements confidentiels ont été divulgués. […] même si cette situation incongrue s'explique, elle heurte le sens commun et, de l'avis du Tribunal, jette le discrédit sur le devoir de loyauté de l'avocat et par ricochet, sur l'intégrité de notre système de justice. »
Dans la décision Lafond c. Morin, 2016 QCCS 9, le juge Christian J. Brossard de la Cour supérieure du Québec a déclaré le cabinet Cain Lamarre inhabile puisque le cabinet risquait de manquer à ses devoirs de neutralité, de désintéressement et de distanciation, compromettant ainsi l’intégrité du système judiciaire. Dans le cadre de ce dossier, le cabinet a été accusé d’avoir, par ses recommandations et de fausses représentations, encouragé l’une des deux actionnaires d’une société à accepter la nomination de l’autre actionnaire comme administrateur unique, alors que cette personne était en situation de vulnérabilité et que les conseils du cabinet Cain Lamarre étaient biaisés. Pendant que le cabinet Cain Lamarre était le représentant de la société, il avait délibérément pris parti pour un actionnaire au détriment de l’autre. Selon le juge, le cabinet Cain Lamarre pouvait avoir manqué à ses obligations déontologiques, en participant à une opération susceptible de constituer un dol (fraude civile) à l’encontre de l’actionnaire préjudicié :
« Ce qui est en cause ici et pose effectivement problème, c’est le risque sérieux, ou l’apparence de risque, d’un manque de neutralité, de désintéressement [du cabinet Cain Lamarre], bref de la distanciation décrite par le juge Lebel dans l’arrêt Fédération des médecins spécialistes. […] selon les prétentions […], [Cain Lamarre] a eu rôle direct, par ses recommandations et de fausses représentations à Mme Lafond, dans le consentement de celle-ci […]. [Cain Lamarre] aurait agi fautivement à son égard et participé à un dol dont elle aurait été victime. Il reste que [Cain Lamarre] doit défendre les intérêts de la Société […] dans des interventions qui, si elles sont prouvées, seraient possiblement fautives et constitutives de dol. […] Dans les circonstances, un membre raisonnable du public en viendrait vraisemblablement à la conclusion que [Cain Lamarre] n’a pas la distanciation requise pour contester, au nom de la Société, les procédures de Mme Lafond, mettant ainsi en péril, à tout le moins en apparence, l’intégrité du système judiciaire. [Cain Lamarre] ne peut donc continuer à agir en l’instance. »
Dans la décision Longpré (Syndic de), 2013 QCCS 6524, le juge Jean-Yves Lalonde de la Cour supérieure du Québec a déclaré le cabinet Cain Lamarre inhabile puisqu’il représentait à la fois le syndic et l’un des administrateurs impliqués dans le litige. Selon le juge, cette double représentation engendrait un risque sérieux que le cabinet favorise les intérêts de l’un au détriment de l’autre. La nature même du litige accentuait la dangerosité de cette situation, car chaque partie cherchait à maximiser sa part, et que le cabinet Cain Lamarre pouvait être tenté de privilégier l’un ou l’autre des clients, ou de faire des choix arbitraires pour orienter sa stratégie. En agissant pour deux clients dont les intérêts étaient potentiellement opposés ou divergents, le cabinet Cain Lamarre se trouvait dans une position où ses devoirs de loyauté et de distanciation étaient compromis :
« La requête invoque l’incidence d’intérêts divergents, voire l’existence d’un conflit d’intérêts, du fait que [l’avocat de Cain Lamarre] représente déjà [en défense, l’un des administrateurs de deux sociétés commerciales visées par le litige] dans le recours en liquidation alors qu’en agissant pour le syndic il se trouve à représenter, dans une certaine mesure, les intérêts du failli […]. [Le failli] anticipe un conflit d’intérêts. Il craint que [l’avocat de Cain Lamarre] puisse favoriser les intérêts de [l’administrateur des deux sociétés commerciales visées par le litige] dans l’exécution du mandat que lui a confié le syndic. Il n’accepte pas que le syndic, représenté par [l’avocat de Cain Lamarre], procède à un ou plusieurs interrogatoires (art. 163 L.f.i.) de lui-même et des autres parties ou tiers pour bonifier la cause de son client [administrateur] au détriment de la masse des créanciers ou débiteur-failli. […] [L’avocat de Cain Lamarre] agissant pour le syndic aux droits [du failli], pourrait être tenté de favoriser son client [administrateur]. Si au contraire il favorise la masse des créanciers, ce sera nécessairement [son client administrateur] qui sera défavorisé. De toute évidence, les intérêts des deux clients que souhaite représenter [le cabinet Cain Lamarre] divergent ostensiblement. […] Un tel exercice serait sûrement hasardeux, arbitraire et de nature à déconsidérer l’administration de la justice, du moins en apparence. Le risque [pour Cain Lamarre] de favoriser l’un ou l’autre des clients est ici trop sérieux. Il s’avère même déraisonnable et va à l’encontre de la saine administration de la justice. »
En appel, le juge Jacques A. Léger de la Cour d’appel du Québec a confirmé la décision de première instance [11] de mettre dehors du dossier le cabinet Cain Lamarre.
Dans la décision Municipalité du Canton de Stratford c. Marcoux, 2020 QCCS 3467, la juge Claudia P. Prémont de la Cour supérieure du Québec, ancienne bâtonnière du Barreau du Québec, a déclaré le cabinet Cain Lamarre inhabile en raison d’un manque de diligence dans la gestion des conflits d’intérêts. Dans ce dossier, le cabinet Cain Lamarre s’est retrouvé à représenter les défendeurs contre la demanderesse pour ensuite, quelques années plus tard, représenter la demanderesse contre les défendeurs. La juge a dénoncé le conflit d’intérêts manifeste dans lequel se trouvait le cabinet Cain Lamarre, conflit qu’il a fait défaut d’éviter :
« les défendeurs […] sont choqués de constater que le cabinet qui les représentait devant la Cour municipale les poursuit dans le cadre du présent dossier. […] Cain Lamarre a représenté les défendeurs dans un dossier devant la Cour municipale visant à contester des constats d’infraction émis par la demanderesse […]. Cain Lamarre représente maintenant la demanderesse contre les défendeurs. Les deux dossiers impliquent les mêmes parties, les mêmes faits et des questions de droit apparentées, entre autres quant à l’interprétation et à l’application du règlement municipal applicable en l’espèce. La connexité entre les mandats apparait évidente. […] aucune alerte du système interne du cabinet n’a détecté le conflit d’intérêts lors de l’ouverture du dossier qui nous occupe. […] Cela démontre une lacune dans le système institutionnel. »
Dans la décision Tremblay c. Savard, 2013 QCCS 6052, la juge Sandra Bouchard de la Cour supérieure du Québec a déclaré le cabinet Cain Lamarre inhabile à représenter son client (demandeur) pour un autre cas de conflit d’intérêts et défaut de protection d’informations confidentielles. L’affaire concernait une relation initiale entre le cabinet et les défendeurs, où ces derniers avaient consulté le cabinet Cain Lamarre pour une question spécifique, puis quelques mois plus tard, ce même cabinet était appelé à agir pour le demandeur contre les défendeurs dans une procédure visant la question pour laquelle le cabinet avait été consulté par les défendeurs. Manifestement, le cabinet Cain Lamarre présente des problèmes de loyauté (en apparence mercenaire) envers ses anciens clients, et priorise l’argent (même si cet argent vient de l’ancienne partie adverse). La juge a considéré que le fait de permettre au cabinet de continuer à agir dans ce litige pouvait nuire à l’intégrité du système judiciaire et à l’apparence de justice et a mis le cabinet Cain Lamarre dehors de dossier :
« Bien que [les avocats du cabinet Cain Lamarre] des demandeurs tentent de convaincre le Tribunal qu'aucun renseignement confidentiel n'a été transmis, le Tribunal n'a pas la conviction qu'un membre du public raisonnablement informé en serait persuadé tel que l'enseigne la Cour suprême. Poursuivre un client rencontré quelques mois plus tôt pour une question connexe à la procédure instituée ne respecte pas l'esprit du Code de déontologie et l'apparence de justice. Dans ces circonstances particulières, la préservation de l'intégrité du système judiciaire justifie que le bureau d'avocats Cain Lamarre Casgrain Wells soit déclaré inhabile à représenter le demandeur dans le présent dossier. »
Dans la décision Protection de la jeunesse — 245029, 2024 QCCQ 4892, la juge Lucie Godin de la Cour du Québec a déclaré le cabinet Cain Lamarre inhabile en raison de sa gestion déplorable d’un conflit d’intérêts flagrant. En représentant simultanément le directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) et la famille d’accueil de l’enfant, le cabinet a gravement manqué à ses obligations déontologiques, en se plaçant dans une position où les intérêts des deux clients étaient intrinsèquement opposés et incompatibles. La juge a constaté également que le cabinet Cain Lamarre a sciemment ignoré ce conflit d’intérêts évident, ne prenant aucune mesure pour le gérer ou le signaler, et a continué à agir de manière contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. La juge a critiqué la conduite des avocats du cabinet Cain Lamarre pour leur manque flagrant de transparence, la présentation de preuves incomplètes au tribunal, leur refus de reconnaître la gravité de la situation, ainsi que leur manque de distanciation et leur complicité avec leurs clients, ce qui témoignait de manquements éthiques qui compromettaient l’intégrité du système judiciaire :
« Cain Lamarre et ses avocats représentent des intérêts opposés dans le dossier, soit ceux du directeur de la protection de la jeunesse, qui est une partie, et ceux de la famille d’accueil de l’enfant, qui est un tiers. Le directeur et le père d’accueil étant la même personne [dénommée « C »], ces intérêts sont indissociables, bien qu’ils soient opposés et incompatibles. On ne peut dissocier C de son rôle de directeur de la protection de la jeunesse, tout comme on ne peut le dissocier de son statut de famille d’accueil, c’est une seule et même personne. […] C a à titre de DPJ des intérêts opposés à ceux de C à qui est confié l’enfant, et vice versa. C, père d’accueil s’autoqualifie pour son rôle de famille d’accueil, et comme directeur il a toute l’information confidentielle de la situation de l’enfant, ce qu’il n’a pas le droit d’avoir. Il reçoit à titre de DPJ de l’information qui provient de lui-même sur la situation de l’enfant et qui doit demeurer confidentielle. Il a, comme directeur de la protection de la jeunesse, de l’information qu’il ne doit pas partager avec la famille d’accueil, mais qui plus est, c’est lui qui à titre de DPJ se recommande pour agir comme famille d’accueil et se déclare adéquat pour répondre aux intérêts de l’enfant jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la majorité. […] Il faut bien comprendre que le problème découle du fait que C est une seule et même personne qui exerce un rôle et une fonction incompatibles l’une avec l’autre. Cain Lamarre et ses avocats se trouvent donc pris dans une situation sans issue, pour eux, puisque le fait de représenter des intérêts opposés dans cette affaire amène non seulement un conflit d’intérêts, mais soulève aussi un sérieux questionnement quant à l’apparence de justice et au préjudice causé aux autres parties, soit l’enfant et ses parents, dans le respect de leurs droits, de même qu’au tribunal. Une telle situation soulève aussi une problématique en lien avec le respect de l’intégrité du système judiciaire. Les avocats du cabinet Cain Lamarre ont exercé leur mandat en faisant abstraction du conflit d’intérêts, par ailleurs évident, dans le fait de représenter le DPJ A qui était en même temps la famille d’accueil de l’enfant. Les avocats de ce cabinet ont exercé leur mandat en présentant au tribunal une preuve incomplète, alors que les documents pertinents existaient et qu’ils étaient en possession de leur client. Ces documents ont été déposés après que l’avocat de l’enfant ait formulé de nombreuses demandes de transmission desdits documents et qu’il ait été forcé de présenter une demande devant le tribunal à cet effet. […] Le rapport avait été précédé de notes évolutives […]. Ces notes auraient dû être transmises aux parties et déposées au tribunal. Le contenu est instructif et exprime les préoccupations de plusieurs intervenantes, notamment à la suite de l’ingérence de C les ententes unilatérales prises entre C et la mère de l’enfant, et ce, sans en informer l’intervenante sociale autorisée au dossier. [...] Le Tribunal devait être informé de cette situation empreinte d’ingérence et de confusion. Cain Lamarre n’a pas respecté son obligation envers le Tribunal en temps opportun. [...] Les avocats du cabinet Cain Lamarre ont exécuté leur mandat depuis le début en ne portant aucune attention au conflit d’intérêts qui par ailleurs existait déjà. [...] Ils auraient dû [...] s’assurer que ce conflit d’intérêts cesse. Or ils ont plutôt choisi de fermer les yeux et d’endosser les choix du directeur, bien que ces derniers soient inconciliables depuis le début, et maintenant irréconciliables. [...] Les devoirs d’indépendance, d’objectivité et d’intégrité des avocats sont essentiels. Le manque de distanciation avec un client ou encore avec un dossier spécifique fait en sorte qu’il y a alors un risque que la représentation soit déficiente. La nécessité d’être prudent aurait dû primer. Le conflit d’intérêts est flagrant. Cain Lamarre et ses avocats ont manqué de transparence à l’égard du Tribunal et des autres parties et ils n’ont pas priorisé l’intérêt et les droits de l’enfant dans ce dossier. On irait même jusqu’à dire qu’ils [Cain Lamarre et ses avocats] sont devenus, par leurs actions des derniers mois particulièrement, complices des décisions du directeur et de ses commettants. Comme il y a nécessité de maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice, le conflit d’intérêts mis en lumière fait en sorte que le cabinet Cain Lamarre et ses avocats sont inhabiles à agir dans le dossier de l’enfant en cause. »
Pire encore, Mtre Charles Gaulin, l’avocat principal de Cain Lamarre dans les dossiers visant l’Université de Sherbrooke, a également été mis dehors de force par le Tribunal à la suite d’une demande en déclaration d’inhabilité d’un dossier dans lequel Charles Gaulin et son cabinet de l’époque représentaient un autre employeur, pas plus tard qu’en juillet 2019.
Source : Cain Lamarre
La juge avait critiqué sévèrement Mtre Charles Gaulin pour avoir participé au processus qui a mené au congédiement déguisé de la demanderesse et parce qu’il était en même temps l’avocat qui défendait le congédiement de la demanderesse, sur la base de ses propres enquête et avis juridique. Pendant que l’intérêt de Mtre Charles Gaulin était « aligné » avec celui de son client, la juge a décidé que cet « alignement d’intérêts » constitue une source potentielle de conflit d’intérêts et qu’il était inacceptable qu’un avocat puisse avoir un intérêt personnel « aligné » avec celui de son client :
« Maître Gaulin a participé activement à plusieurs étapes importantes du dossier. Il apparaît avoir été impliqué étroitement au processus qui est à l’origine du litige. Comment ses collègues pourraient-ils avoir « la distanciation requise pour débattre » de ces aspects, d’autant que certains de ces échanges ont eu lieu dans les bureaux du cabinet et que plusieurs membres ont été impliqués dans le dossier au fil du temps. […] les circonstances particulières de cette affaire empêchent la distanciation nécessaire à l’indépendance professionnelle requise devant un tribunal. Tant maître Gaulin que le cabinet sont parties prenantes, du moins en apparence, à l’enquête et aux décisions à l’origine du litige. En ce sens, ils ont leurs propres intérêts dans l’affaire. » [12]
Cette situation était similaire à celle du dossier de l’Université de Sherbrooke où les avocats et notaires du cabinet Cain Lamarre avaient « leurs propres intérêts dans l’affaire », ayant bénéficié des stratagèmes frauduleux de leur cliente pour s’y faire embaucher comme chargé de cours, et le cabinet a ensuite conseillé leur cliente sur comment se « défendre » contre les allégations de stratagèmes frauduleux, tout en « défendant » les embauches de ses propres avocats et notaires dans le dossier de leur cliente.
Malgré ces antécédents, Mtre Charles Gaulin n’a pas appris sa leçon. Ni lui, ni le cabinet Cain Lamarre. Au contraire, l’acharnement de rester au dossier démontrait une tendance récidiviste du cabinet et de ses avocats qui font fi répétitivement des règles déontologiques et de ce que pensent les tribunaux, un modus operandi répréhensible perpétré sur une longue période de temps qui pouvait facilement constituer un facteur aggravant dans l’évaluation de la demande en déclaration d’inhabilité qui pesait contre eux dans ce dossier.
De la « magouille » vendue comme un atout
Plus surprenant encore, ce modus operandi du cabinet Cain Lamarre était vendu aux potentiels clients, publiquement, sur le site web du cabinet, comme un atout remarquable (malgré qu’il soit contraire à la déontologie et à la règle de droit).
Le cabinet Cain Lamarre se vantait de bénéficier d’un « imposant réseau de contacts » qu’il cultivait sciemment pour pouvoir l’utiliser ensuite au bénéfice de ses clients afin de régler leurs « problèmes juridiques ». Parmi ce réseau de contacts se trouvaient même des juges. C’est ce qui pouvait ressortir de la déclaration de Mtre Gina Doucet, chef de la Direction de la pratique professionnelle du cabinet Cain Lamarre :
« Nos professionnels [sont] respectés par les plus hauts tribunaux, conseillers influents, bâtonniers, […] plusieurs membres ont accédé à la magistrature ».
« Au fil des ans, Cain Lamarre a su tisser un imposant réseau de contacts et a à cœur d’en faire bénéficier sa clientèle. Nos professionnels cultivent et entretiennent des relations qui s’avèrent stratégiques auprès, notamment, d’hommes et de femmes d’influence au niveau municipal, provincial et national, de cabinets nationaux et internationaux, de médias de toutes sortes ».
« Non seulement la solution de problèmes juridiques peut être facilitée par l’utilisation judicieuse d’un tel réseau, mais celui-ci favorise également le maillage et agit comme levier économique pour plusieurs de nos clients ». « L’efficacité de ce réseau est aussi renforcée par l’engagement socioéconomique de nos avocats et notaires. »
- Gina Doucet, directrice exécutive de la pratique professionnelle, Cain Lamarre, 2023-2024 [13]
Lorsque le public lit ce type de déclaration entre les lignes, il pourrait arriver à la conclusion que le cabinet Cain Lamarre offrirait aux clients une « façon » pénombrale et perfide de trouver des « solutions » à leur « problème » dans les antichambres de la magistrature, en se servant d’influenceurs du système judiciaire (juges, bâtonniers, gens de pouvoir, médias) qui font partie de son réseau multitentaculaire de contacts et qui agiraient au bénéfice « des leurs ».
La première fois que j’ai lu cette déclaration sur la page web du cabinet Cain Lamarre, par réflexe, je me suis demandé si on pouvait vendre plus ouvertement de la corruption du système judiciaire sans éveiller les soupçons des autorités et déclencher des enquêtes policières. Par ailleurs, ces propos de Cain Lamarre se sont avérés « prémonitoires » de ce qui allait se passer ensuite.
Même si l’Université de Sherbrooke a fréquemment été représentée devant les tribunaux par d’autres cabinets d’avocats comme McCarthy Tétrault [14], Lavery [15], Heenan Blaikie [16] (un bureau d’avocats infâme qui a fait implosion, où a travaillé une partie des proches de l’Université de Sherbrooke, dont l’ancien avocat de l’Université de Sherbrooke Claude Villeneuve, l’ambassadrice de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke Marie-Josée Hogue, l’époux de la doyenne Marie-Pierre Robert, Sébastien Pierre-Roy, et la fille du grand ambassadeur de l’Université de Sherbrooke Jean Charest, Amélie Dionne-Charest, en plus de certains autres amis politiciens comme Pierre-Marc Johnson et Jean Chrétien, sans oublier Pierre Elliott Trudeau dont la fondation Trudeau a financé les études en droit de Marie-Pierre Robert) ou Monty Sylvestre (Monty Coulombe) [17]), ici, dans ces dossiers spécifiquement, l’Université de Sherbrooke tenait à ce que ce soit le cabinet Cain Lamarre qui la défende et conséquemment, qu’il reste au dossier.
L’Université de Sherbrooke avait besoin d’un juge “accommodant”, qui garde malgré tout Cain Lamarre au dossier.
L’ancien avocat de l’Université de Sherbrooke, Claude Villeneuve (le juge coordonnateur de la Cour supérieure du Palais de justice de Sherbrooke) et Marie-Anne Paquette (la juge en chef de la Cour supérieure du Québec de McCarthy Tétrault, nommée sur ce poste en 2022 par le régime David Lametti - Justin Trudeau 2019-2023), ont assigné le dossier d’inhabilité au juge Martin F. Sheehan, avocat chez Fasken, nommé juge en 2019 par le même David Lametti du gouvernement libéral de Justin Trudeau (après avoir été écarté de son poste de ministre de la Justice, David Lametti a été embauché par Fasken en janvier 2024; le juge Sheehan a entendu la demande en février 2024).
Tout comme Cain Lamarre, le juge Martin F. Sheehan avait, lui aussi, des antécédents en matière de déclaration d’inhabilité à son palmarès depuis qu’il était avocat.
En effet, l’avocat Martin F. Sheehan et son cabinet d’avocats Fasken ont fait l’objet de demandes en déclaration d’inhabilité qui ont été accueillies par les tribunaux, une fois en 1999 [18] et une autre fois en 2016 [19], peu de temps avant sa nomination à la magistrature en 2019. Dans la première décision, le juge a déclaré inhabile Martin F. Sheehan et Fasken, justement pour des raisons d’absence de distanciation et pour manque d’objectivité, comme soulevé dans la demande en déclaration d’inhabilité visant Cain Lamarre que le juge Sheehan allait trancher.
Bref, les choses n’auguraient pas bien.
La suite, à venir.
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[1] Fédération des médecins spécialistes du Québec c. Association des médecins hématologistes-oncologistes, 1988 CanLII 856 (QC CA).
[2] Gattuso Bouchard Mazzone c. Chartier, 2023 QCCS 3178, par. 12; Lessard et Coopérative de solidarité du Centre de la petite enfance Le Bilboquet, 2019 QCTAT 3255, par. 24; Centre commercial Rimouski inc. c. Ville de Rimouski, 2017 QCCS 6259, par. 89.
[3] Locas c. Boileau, 2000 CanLII 18232 (QC CQ), par. 38.
[4] Marie-Luce CHENEY, « La Faculté de droit souligne la générosité de Monty Coulombe », Université de Sherbrooke, 8 avril 2014, en ligne : ‹https://www.usherbrooke.ca/lafondation/nouvelles/details/25248›.
[5] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudoin et autres) c. Gaz métropolitain inc., 2005 CanLII 35792 (QC TDP), par. 40.
[6] R. c. Harrison, 2017 QCCA 263, par. 47.
[7] David Boyer, courtier immobilier résidentiel inc. c. Lambert, 2024 QCCS 2421; Protection de la jeunesse — 245029, 2024 QCCQ 4892; Centre commercial Rimouski inc. c. Ville de Rimouski, 2017 QCCS 6259; Dallaire c. Parent, 2003 CanLII 34925 (QC CS); Lafond c. Morin, 2016 QCCS 9; Longpré (Syndic de), 2013 QCCS 6524; Lemieux Nolet inc. c. Longpré, 2014 QCCA 336; Municipalité du Canton de Stratford c. Marcoux, 2020 QCCS 3467; Tremblay c. Savard, 2013 QCCS 6052; Bio-Bon inc. c. Aliments Inpack inc., 2021 QCCS 62; Vézina c. Centre d'initiative en agriculture de la région de Coaticook (CIARC), 2019 QCCS 4007; A.D. et A.D., 2017 QCCS 6021; Amqui (Ville d') c. Lévesque, 2006 QCCS 6659; Auger c. Roy, 2018 QCCS 3058; Blackburn c. Blackburn, 2024 QCCS 559; Commission des normes du travail c. Centre de santé et de services sociaux du Lac-St-Jean Est, 2008 QCCQ 168; Dentistes (Ordre professionnel des) c. Gaudet, 2023 QCCDODQ 20; Droit de la famille — 13154, 2013 QCCS 287; Droit de la famille — 221297, 2022 QCCS 2806; Équipements Yves Landry inc. c. Gaspé (Ville de), 2016 QCCA 288; F.S. c. Syndicat de l'enseignement de l'Estrie, 2008 QCCAI 72; Gagnon c. Bolduc, 2009 QCCS 2361; Genest-Makdessi c. Genest, 2007 QCCS 1362; Industries Remac inc. c. Constructions CLD (1985) inc., 2007 QCCS 6493; Isacco (Succession de Isacco) c. Spencer, 2019 QCCS 4368; Milunovic c. Huard et Lepage, 2018 QCCDBQ 29; Rioux & Beaulieu inc. c. Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie, 1997 CanLII 10694 (QC CA); Robidoux c. JCR Constructions et rénovations inc., 2021 QCCS 2058; Rousseau c. Entreprises R.E.R. inc. (Pièces universelles enr.), 2003 CanLII 54503; Sexologues (Ordre professionnel des) c. Gariépy, 2024 QCCDSEXO 4; Succession de Blouin, 2023 QCCS 4999; Sun Life du Canada c. Tremblay, 1998 CanLII 11708.
[8] Bio-Bon inc. c. Aliments Inpack inc., 2021 QCCS 62.
[9] Vézina c. Centre d'initiative en agriculture de la région de Coaticook (CIARC), 2019 QCCS 4007, par. 53.
[10] David Boyer, courtier immobilier résidentiel inc. c. Lambert, 2024 QCCS 2421.
[11] Lemieux Nolet inc. c. Longpré, 2014 QCCA 336.
[12] Lessard et Coopérative de solidarité du Centre de la petite enfance Le Bilboquet, 2019 QCTAT 3255.
[13] Gina DOUCET, « Notre cabinet. Près pour aller loin », Cain Lamarre, décembre 2023, en ligne : ‹https://cainlamarre.ca/notre-cabinet/›.
[14] Association des professeures et professeurs de la faculté de médecine de l’université de Sherbrooke (APPFMUS) c. Université de Sherbrooke, 2025 CanLII 91164 (QC SAT); Association des professeures et professeurs de la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke (APPFMUS) c. Professeure Guay, 2025 CanLII 47479 (QC SAT); Association des professeures et professeurs de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke (APPFMUS) c. Guay, 2024 CanLII 42207 (QC SAT); Association des professeures et professeurs de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke (APPFMUS) v. Guay, 2024 CanLII 505 (QC SAT); Guay c. Association des professeures et professeurs de la faculté de médecine de Sherbrooke (APPFMUS), 2022 QCCQ 5098; Rhnima c. Syndicat des professeures et professeurs de l'Université de Sherbrooke, 2021 QCTAT 6070; Syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke (SPPUS) c. Université de Sherbrooke, 2020 CanLII 62493 (QC SAT);
[15] Syndicat des employées et employés de soutien de l’Université de Sherbrooke (SCFP 7498) c. Université de Sherbrooke, 2015 CanLII 13304 (QC SAT); Obaid c. Université de Sherbrooke, 2022 QCCS 1325; Cloutier c. Université de Sherbrooke, 2023 QCCS 458; Adjo c. Université de Sherbrooke, 2024 QCCS 1177.
[16] Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 1449; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Lemieux et autres) c. Université de Sherbrooke, 2013 QCTDP 15; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Lemieux et autres) c. Université de Sherbrooke, 2012 QCTDP 18; Université de Sherbrooke c. Pratte, 2011 QCCQ 15974.
[17] Pozy-Audette et Université de Sherbrooke, 2017 QCTAT 933; Rachidi c. Université de Sherbrooke, 2014 QCCS 6398; Drouin et Université de Sherbrooke, 2014 QCCRT 335; G.D. c. Université de Sherbrooke, 2014 QCCAI 95; Beaudoin et Université de Sherbrooke, 2014 QCCRT 222; Rachidi c. Université de Sherbrooke, 2013 QCCS 6982; Ménard et Université de Sherbrooke, 2013 QCCLP 4754; Langlois et Université de Sherbrooke, 2013 QCCLP 2768; Université de Sherbrooke c. Association du personnel administratif et professionnel de l'Université de Sherbrooke (APAPUS), 2013 QCCA 553; Langlois et Université de Sherbrooke, 2012 QCCLP 7113; Université de Sherbrooke c. Syndicat des employées et employés de soutien de l’Université de Sherbrooke (SCFP, section locale 7498), 2012 QCCRT 218; Tôth c. Université de Sherbrooke, 2012 QCCS 2921; Carrier c. Université de Sherbrooke, 2012 QCCS 1665; Rhazi c. Marcheterre, 2012 QCCS 409.
[18] 9010-0066 Québec inc. c. Bouthillier, 1999 CanLII 11659 (QC CS).
[19] Personnel Unique Canada inc. c. Day & Ross inc. 2016 QCCS 1521.