5 CHOSES À SAVOIR SUR LE DÉLIT DE FUITE – PARTIE II

LE CODE CRIMINEL DU CANADA

Claudiu Popa

 

Si vous êtes impliqué dans un accident de la route, la loi vous impose de respecter certaines obligations. L’une de ces obligations est d’arrêter son véhicule après l’accident. Le défaut de respecter cette obligation peut entraîner non seulement votre responsabilité criminelle en vertu du Code criminel du Canada, mais aussi votre responsabilité pénale en vertu du Code de la sécurité routière du Québec (voir l’article 5 choses à savoir sur le délit de fuite - partie I).

Que vous ayez causé l’accident ou que vous en soyez victime, voici cinq choses à savoir en matière de délit de fuite découlant du Code criminel du Canada :

  • Qu’est-ce qu’un délit de fuite?

  • Quelles sont les obligations en cas d’accident?

  • Quelles sont les conséquences possibles découlant d’un délit de fuite?

  • Quels sont les moyens de défense habituels en cas d’accusation de délit de fuite?

  • Et la victime d’un délit de fuite?

 

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1. QU’EST-CE QU’UN DÉLIT DE FUITE SELON LE CODE CRIMINEL DU CANADA?

Le délit de fuite, fuir les lieux d’un accident ou omettre de s’arrêter à la suite d’un accident constituent des expressions qui visent les mêmes actions prohibées : ne pas arrêter son moyen de transport après un accident, ne pas donner son nom et son adresse, ne pas offrir d’aide aux personnes blessées ou qui semblent avoir besoin d’assistance.

En vertu de l’article 320.16 Code criminel, une personne qui omet d’arrêter le moyen de transport qu’elle conduisait à la suite d’un accident, qui omet de s’identifier en donnant son nom et son adresse et qui n’offre pas d’aide à une personne blessée ou qui semble avoir besoin d’assistance, pourrait être accusée d’une infraction de délit de fuite.

Pour être accusé d’une infraction de délit de fuite, le conducteur doit d’abord avoir conduit un moyen de transport au moment où l’accident est survenu. 

L’infraction prévue par le Code criminel canadien vise donc plus que son véhicule routier, elle vise un « moyen de transport ».

 

Qu’est-ce qu’un moyen de transport?

L’expression « moyen de transport » comprend par exemple un véhicule à moteur (automobile, camion, motocyclette, etc.), un bateau, un aéronef, y compris un aéroglisseur, ou un matériel ferroviaire (art. 320.11 Code criminel).

 

Qu’est-ce qu’un accident?

Le terme « accident » n’est pas défini par le Code criminel, mais les tribunaux proposent une définition :

 

Qui peut être impliqué dans un accident?

Un accident peut inclure aussi la situation où un conducteur heurte un piéton (R. v. Reid, 2021 NLCA 13), le passager d’un autre véhicule ou le passager du véhicule de la personne ayant causé l’accident (Mihalick c. R., (1991) 28 M.V.R. (2d) 114, par. 24-25 (C.A. C.-B.)).

 

L’existence d’une collision est-elle requise?

Non. Pour qu’il y ait un délit de fuite, il n’est pas nécessaire que l’accident implique une collision. Si la conduite d’une personne est la cause d’un incident ayant entraîné des pertes à la victime, cela peut quand même constituer un accident au sens de cette infraction. C’est, par exemple, ce que les tribunaux ont jugé de la conduite d’un contrevenant qui a

« sur une voie rapide, coupé sans avertissement la trajectoire de l'automobile de la victime, tenté de lui bloquer le chemin à plusieurs reprises pour ensuite, sans que le flot de la circulation ne le justifie de quelque façon, freiner brusquement, causant ainsi l'embardée de l'automobile qui le suivait » (Thériault c. R., 2005 QCCA 583, par. 4).

 

L’existence de dommages ou de blessures est-elle requise?

Non. Les tribunaux ont conclu qu’il n’est pas nécessaire que des dommages ou des blessures soient causés pour que l’incident constitue un accident au sens du Code criminel (R. v. Chase, 2006 BCCA 275, par. 38 et 40).

 

* Attention! Ne pas confondre le terme d’accident impliquant un moyen de transport avec la défense d’accident, qui constitue l’un des moyens de défense possibles à l’encontre d’une infraction reprochée *

 

2. Quelles sont les obligations en cas d’accident?

Tout conducteur impliqué dans un accident doit :

  • Arrêter son moyen de transport et rester sur les lieux de l’accident ou y revenir immédiatement;

  • S’identifier en donnant ses nom et adresse;

  • Offrir de l’assistance à une personne qui a été blessée ou qui semble avoir besoin d’assistance.

 

3. Conséquences possibles découlant d’un délit de fuite : sanctions et peines applicables

Plusieurs types de peine existent en fonction des circonstances de l’affaire. Des sanctions de nature criminelle, pénale et administrative peuvent s’appliquer.

Le délit de fuite et l’absence de lésion corporelle (art. 320.16(1) Code criminel)

La personne accusée de cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de 10 ans si elle est reconnue coupable d’un acte criminel (art. 320.19(5)a) Code criminel).

La personne accusée est passible d’un emprisonnement de 2 ans moins un jour si elle est reconnue coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (art. 320.19(5)b) Code criminel).

Comme cette infraction ne prévoit aucune peine minimale d’emprisonnement, une absolution pourrait être accordée par le tribunal.

 

Le délit de fuite et la présence de lésions corporelles (art. 320.16(2) Code criminel)

La personne accusée de cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans si elle est reconnue coupable d’un acte criminel (art. 320.2a) Code criminel), avec les peines minimales suivantes :

  • Amende de 1 000$ pour la première infraction;

  • Emprisonnement de 30 jours pour la deuxième infraction;

  • Un emprisonnement de 120 jours pour chaque infraction subséquente.

Si la personne accusée est reconnue coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, elle est passible d’une amende maximale de 5 000$ et d’un emprisonnement maximal de 2 ans moins un jour, ou l’une de ces peines (art. 320.2b) Code criminel), les peines minimales suivantes étant applicables :

  • Amende de 1 000$ pour la première infraction;

  • Emprisonnement de 30 jours pour la deuxième infraction;

  • Un emprisonnement de 120 jours pour chaque infraction subséquente.

 

Le délit de fuite et la mort d’une personne (art. 320.16(3) Code criminel)

La personne accusée de cette infraction est passible d’un emprisonnement à perpétuité (art. 320.21 Code criminel), avec les peines minimales suivantes :

  • Amende de 1 000$ pour la première infraction;

  • Emprisonnement de 30 jours pour la deuxième infraction;

  • Un emprisonnement de 120 jours pour chaque infraction subséquente.

Ordonnance d’interdiction de conduire

La personne accusée peut être privée de la possibilité de conduire son moyen de transport puisque le tribunal a également le pouvoir de rendre une ordonnance d’interdiction de conduire durant une période établie par celui-ci (art. 320.24(4) et (5) Code criminel), comme suit :

  • La durée de la peine d’emprisonnement à laquelle le contrevenant a été condamné et la durée que le tribunal estime appropriée si le contrevenant est passible de l’emprisonnement à perpétuité;

  • La durée de la peine d’emprisonnement à laquelle le contrevenant a été condamné et d’une autre durée maximale de dix ans si le contrevenant est passible d’un emprisonnement de plus de 5 ans, mais pas d’un emprisonnement à perpétuité;

  • La durée de la peine d’emprisonnement à laquelle le contrevenant a été condamné et d’une autre durée maximale de trois ans dans tout autre cas.

Début de l’interdiction de conduire

En principe, une telle interdiction commence à la date du prononcé de la peine d’emprisonnement (art. 320.24(5.1) Code criminel). Toutefois, si une telle interdiction fait partie non seulement de la peine qui lui a été infligée en cas de déclaration de culpabilité, mais fait également partie d’une autre ordonnance, comme celle visant des conditions de remise en liberté, l’interdiction de conduire peut s’appliquer à la suite de cette ordonnance initiale, de manière consécutive (art. 320.24(9) Code criminel).

Portée de l’interdiction

Si l’ordonnance vise un véhicule à moteur, l’interdiction ne s’applique qu’à la conduite dans un lieu public : dans une rue, sur un chemin public, sur une grande route ou autre (art. 320.24(8) Code criminel).

Circonstances aggravantes et détermination de la peine

Pour déterminer la peine à imposer, un tribunal tient compte des circonstances qui peuvent justifier une peine plus lourde – qu’on appelle des « circonstances aggravantes » (art. 320.22 Code criminel) :

a) la perpétration de l’infraction a entraîné des lésions corporelles à plus d’une personne ou la mort de plus d’une personne.

b) le contrevenant était engagé soit dans une course avec au moins un autre véhicule à moteur, soit dans une épreuve de vitesse, dans une rue, sur un chemin ou une grande route ou dans tout autre lieu public;

c) le contrevenant avait comme passager dans le moyen de transport qu’il conduisait une personne âgée de moins de seize ans;

d) le contrevenant conduisait le moyen de transport contre rémunération;

e) l’alcoolémie du contrevenant au moment de l’infraction était égale ou supérieure à cent vingt milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang;

f) le contrevenant conduisait un gros véhicule à moteur;

g) le contrevenant n’était pas autorisé, au titre d’une loi fédérale ou provinciale, à conduire le moyen de transport.

 

En plus des sanctions applicables en matière criminelle, d’autres pénalités peuvent s’imposer en vertu du Code de la sécurité routière qui découlent d’une déclaration de culpabilité pour une infraction de délit de fuite prévue au Code criminel canadien.

 

Révocation du permis de conduire

Si une personne est reconnue coupable de délit de fuite suivant le Code criminel (article 320.16), son permis de conduire sera automatiquement révoqué par la Société de l’assurance automobile du Québec ou le droit d’en obtenir un sera suspendu (article 180 Code de la sécurité routière).

La durée de la sanction en cas de délit de fuite peut être de 4 ou 5 années consécutives à la date de la révocation ou de la suspension, ou encore, pour une période plus longue lorsque celle-ci est établie par une ordonnance d’interdiction de conduire rendue par la Cour en vertu du Code criminel canadien (articles 76 et 76.1 Code de la sécurité routière; article 320.24(4) et (5) Code criminel).

 

4. Certains moyens de défense

La personne accusée d’un délit de fuite peut tenter d’établir qu’elle avait une excuse raisonnable relativement à son omission d’arrêter son moyen de transport, son omission de donner son nom et son adresse ou son omission d’offrir de l’assistance à une personne semblant en avoir besoin.

  • Par exemple, la personne accusée peut tenter d’établir qu’elle ignorait qu’elle a été impliquée dans un accident et qu’elle n’a pas eu l’intention de quitter les lieux sans donner ses coordonnées (Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Guilbert, 2021 QCCQ 6467, par. 31) ou sans fournir de l’assistance lorsque requis, ou encore qu’elle ignorait que des lésions corporelles à une autre personne ont été causées (le cas échéant) ou encore, que la mort d’une autre personne s’en est suivie (le cas échéant).

    • La Cour a acquitté une conductrice d’un véhicule à moteur qui a heurté une jeune fille qui roulait à vélo sur le côté de la rue. La conductrice s’est enquis de l’état de la victime et a quitté les lieux sans fournir ses nom et adresse. Celle-ci a toutefois communiqué avec la police pour dénoncer l’accident et fournir ses coordonnées dans un délai de 30 minutes suivant l’accident. En raison des démarches subséquentes effectuées par la conductrice, la Cour a déterminé qu’elle n’avait pas l’intention criminelle de quitter le lieu de l’accident sans fournir ses cordonnées, croyant la version de la conductrice à l’effet qu’elle a oublié de fournir ses coordonnées en raison du stress (Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Guilbert, 2021 QCCQ 6467, par. 42);

    • Dans un autre cas, la Cour a acquitté le conducteur d’un moyen de transport qui savait avoir été impliqué dans un accident avec une autre personne qui a causé des lésions corporelles à cette personne. La poursuite reprochait à l’accusé d’avoir omis de s’arrêter et de fournir de l’assistance à la victime. Dans cette décision, la Cour a réitéré que l’objectif de l’infraction de délit de fuite est « d’assurer qu’une personne blessée ne soit pas laissée à elle-même, et qu’elle bénéficie du secours approprié selon son état » (R. c. Lepage, 2022 QCCQ 506, par. 64; Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Guilbert, 2021 QCCQ 6467, par. 28). En l’espèce, la Cour a déterminé que le conducteur a offert de l’assistance à la victime en tentant de rejoindre la police et ensuite son ami qui possédait, à sa connaissance, la formation requise pour intervenir dans une situation critique. La Cour a également déterminé que le conducteur s’est arrêté sur les lieux de l’accident et qu’il a quitté après l’arrivée de son ami qui avait pris le contrôle de la situation. Finalement, la Cour a conclu que le conducteur n’a pas manqué à son obligation de fournir ses coordonnées puisqu’il était un bon ami de la victime et que la victime connaissait ses coordonnées, celle-ci ayant fourni elle-même ces informations aux policiers (R. c. Lepage, 2022 QCCQ 506, par. 62 à 76);

    • Dans un autre dossier, la Cour a acquitté un conducteur qui a omis de respecter ses obligations légales après avoir heurté un cycliste en invoquant comme excuse raisonnable la crainte de subir des violences physiques de la part de la victime après avoir reçu un coup de poing au visage par la victime, à travers la vitre de son véhicule (R. v. Wells, 2020 ONCJ 294, par. 22 à 33 et 44 à 69).

Dans l’appréciation de la crédibilité du témoignage de la personne accusée, la Cour tient compte de plusieurs facteurs, notamment :

« la consistance du témoignage et sa précision, sa cohérence, sa compréhension, la mémoire du témoin, la vraisemblance de ses propos, l'absence d'hésitation ou de réticence, l'absence de contradiction, son attitude, son comportement et sa sincérité » (Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Guilbert, 2021 QCCQ 6467, par. 36; Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Mughal, 2013 QCCQ 12603).

D’autres moyens de défense peuvent également être possibles.

 

5Et la victime d’un délit de fuite?

Indemnisation en cas de délit de fuite par la Société de l’assurance automobile du Québec

La victime d’un accident de la route avec délit de fuite, dont le véhicule ou les biens ont été endommagés, pourrait se faire indemniser par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) pour les dommages matériels subis s’il est impossible de découvrir l’identité du propriétaire ou du conducteur ayant causé l’accident.

 

Admissibilité

Pour pouvoir effectuer une demande d’indemnité auprès de la SAAQ, les conditions suivantes s’appliquent :

  • L’accident a eu lieu au Québec;

  • Vous êtes le propriétaire du véhicule ou des biens qui ont été endommagés (ex. : un vélo);

  • La victime n’est pas entièrement la personne responsable de l’accident;

  • La police d’assurance de la victime ne couvre pas les délits de fuite;

  • La police d’assurance de la victime comprend une clause de responsabilité civile pour un montant de minimum 50,000$;

  • La victime a rapporté l’accident au service de police dans un délai de maximum 48 heures après l’accident;

  • La victime a présenté sa demande d’indemnisation à la SAAQ dans un délai de maximum 60 jours après l’accident;

  • La victime n’a pas effectué des réparations au véhicule ou aux biens endommagés avant que la SAAQ aient eu l’occasion d’évaluer les dommages;

  • Le permis de conduire de la victime doit être valide, sans suspension au moment de l’accident;

  • Le véhicule de la victime est immatriculé et l’immatriculation est à jour;

  • Le montant minimum des dommages causés est de 500$ (moins une franchise de 10% de la valeur du véhicule); l’indemnité maximale est de 10,000$.

 

Exclusions

La SAAQ peut refuser d’indemniser la victime en cas d’accident de la route et de délit de fuite si l’une des conditions suivantes s’applique :

  • Sa police d’assurance couvre les dommages matériels subis;

  • Son permis de conduire était suspendu ou il n’était pas valide au moment de l’accident;

  • Son véhicule n’était pas immatriculé ou son immatriculation n’était pas à jour au moment de l’accident;

  • Sa police d’assurance de responsabilité civile ne vous couvrait pas les dommages causés à autrui;

  • Les dommages réclamés visent des objets transportés dans le véhicule endommagé;

  • Le montant des dommages est de 500$ ou moins;

  • La victime est un assureur, une compagnie, une entreprise, une société, un organisme gouvernemental ou un de ses agents mandataires;

  • Les dommages matériels ont été causés par un véhicule qui participait à l’un des événements suivants, notamment : course, compétition, spectacle, essai libre, démonstration ou exposition se déroulant sur un parcours ou un terrain fermé à toute circulation automobile ou à l’intérieur d’un bâtiment.

 

Documents requis par la Société de l’assurance automobile du Québec

  • Formulaire Autorisation de communiquer et d’obtenir des renseignements personnels   pour les dommages matériels;

  • Formulaire Demande d’indemnité pour dommages matériels;

  • Copie de la page de la police d’assurance automobile au moment de l’accident, indiquant le montant de l'assurance responsabilité civile, la liste des franchises, le modèle du véhicule, la durée du contrat et le nom de la personne assurée;

  • Estimation des dommages faite par un garagiste (ou par un autre spécialiste s’il ne s’agit pas d’un véhicule) qui précise le coût prévu pour les pièces à réparer ou à changer et pour la main-d’œuvre, le taux horaire, ainsi que le nom du garagiste et ses numéros de taxes;

  • Photos couleur des 4 côtés extérieurs du véhicule et de l’odomètre.

  • Preuve que vous avez contacté la police dans les 48 heures (rapport de police ou autre).

 

Ces informations visant l’indemnisation par la SAAQ proviennent du site Internet de la Société, également disponibles en cliquant sur le lien suivant : https://saaq.gouv.qc.ca/accident-route/delit-fuite.


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Les informations contenues dans cet article sont à jour en 2023. 

Ces informations ont été rédigées dans un but informatif seulement.

Cet article ne constitue pas un avis juridique.

Veuillez consulter un avocat si vous avez besoin d’un avis juridique ou si vous êtes impliqué dans un incident similaire.

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