Décoder le droit criminel et pénal canadien 2 : ACTUS REUS DE L’INFRACTION

Claudiu Popa

Qu’est-ce que l’actus reus?

L’actus reus ou l’élément matériel d’une infraction constitue un comportement extériorisé d’un individu qui agit volontairement (au sens physique),  dont le comportement est prohibé et sanctionné par le Code criminel.

Il y a donc 3 composantes de l’actus reus : un geste extériorisé, un geste volontaire et un geste prohibé par la loi.

1. Un geste extériorisé

En principe, il s’agit d’une manifestation externalisée de ses pensées.

La simple intention d’une personne de commettre une infraction ne constitue pas une infraction.

L’exception à cette règle est l’infraction de complot (article 465 Code criminel) selon laquelle lorsque 2 ou plusieurs personnes conviennent d’une entente pour commettre une infraction. Il faut toutefois que l’entente soit cristallisée. Lorsque 2 personnes ou plus se concertent, cet acte soulève un degré de préjudice ou d’appréhension de préjudice qui mérite d’être sanctionné par la loi. Dans ce contexte, l’actus reus est l’entente entre les personnes, qui visent à poser un geste prohibé.

Le comportement extériorisé peut se manifester sous plusieurs formes :

  • une action (ex : poser un geste);

  • une omission (ex : omettre ou s’abstenir de poser un geste alors que l’accusé avait un devoir légal d’agir.  L’omission doit être volontaire);

  • un état particulier (cet état s’ajoute habituellement à un geste volontaire posé par l’accusé, on punit la situation de l’accusé);

  • un comportement circonstancié (la circonstance qualifie le crime);

  • un comportement qui comporte des conséquences (le geste engendre une conséquence particulière qui est attribuable au comportement de l’accusé. Pour déterminer qui a produit la conséquence, on regarde le lien de causalité);

Le lien de causalité n’est pertinent que si l’actus reus exige qu’une conséquence survienne

  • Exemple : l’infraction de méfait exige qu’il y ait la présence d’une destruction du bien pour être reconnu coupable;

  • Il doit être présent entre l’action et la conséquence;

  • Il est établi si les conséquences étaient prévisibles;

  • Le critère est de la contribution plus que mineure - la « cause appréciable » comme critère de base en matière de causalité (arrêt Smithers);

Il y a deux types de causalité : la causalité factuelle et la causalité juridique

  • La causalité factuelle : ce sont les faits qui ont scientifiquement causé la conséquence (mort, lésion, etc.);

  • La causalité juridique : c’est le geste de l’accusé qui a causé la conséquence (mort, lésion, etc.). La conséquence est reliée au comportement de l’accusé. On se pose la question : Le geste de l’accusé a-t-il contribué de manière appréciable à la conséquence en cause? Les gestes de l’accusé doivent avoir contribué de manière appréciable (critère de la cause appréciable).

La rupture du lien de causalité entraîne l’acquittement de l’accusé si

  • l’acte intermédiaire est délibéré et indépendant,

    ou

  • la conséquence résulte d’un événement totalement imprévisible.

Le lien de causalité n’est pas rompu (et n’entraîne pas l’acquittement de l’accusé) si

  • l’acte intermédiaire était raisonnablement prévisible,

    ou

  • la conséquence résulte de la faiblesse de la victime (autrement appelée la « théorie du crâne fragile »).

2. Un geste volontaire

Un geste doit être volontaire au sens physique.

Un geste volontaire est celui posé en plein contrôle de son corps et comportement.

C’est le contraire d’un réflexe, d’un spasme, d’un accident, d’une convulsion, du somnambulisme (arrêt Sparks) ou de tout autre geste involontaire.

  • Exemple de geste involontaire : être au volant, faire une crise d’épilepsie qui mène à la perte de contrôle du véhicule et ensuite percuter un cycliste.

Si la poursuite ne s’acquitte pas de son fardeau de prouver le caractère volontaire de l’actus reus, cela mènera à l’acquittement de l’accusé.

3. Un geste prohibé par la loi

Selon le principe de légalité, si le geste posé par l’accusé n’est pas interdit par un texte de loi, il n’y a pas d’infraction.

Toutefois, les tribunaux peuvent interpréter les dispositions et élargir la portée de certaines infractions.

Note :

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