Décoder le droit criminel et pénal canadien 11 : LES MOYENS DE DÉFENSE FONDÉS SUR L’ABUS DE L’ÉTAT
Claudiu Popa
Les moyens de défense portant sur l’abus de l’État
Il ne s’agit pas d’un moyen de défense en tant que tel, mais plutôt d’une violation aux garanties prévues par la Charte canadienne des droits et libertés qui (si la violation est prouvée) permet aux tribunaux d’ordonner l’arrêt des procédures, l’exclusion de la preuve ou la réduction de la peine, en fonction du type de violation et de sa gravité.
L’abus de l’État peut être soulevé à tout moment de l’instance : durant l’enquête préliminaire, pendant le procès ou après le procès.
Plusieurs types d’abus de l’État ont été reconnus par la jurisprudence, dont l’erreur de droit provoquée par une personne en autorité, la provocation policière et la défense de minimis non curat lex.
L’erreur de droit provoquée par une personne en autorité
L’accusé peut le soulever lorsqu’un représentant de l’État l’a avisé d’agir d’une certaine manière, son fardeau étant celui de la prépondérance des preuves (50+1%).
Comme c’est l’État qui a placé l’accusé dans cette situation et que c’est l’État qui l’a induit en erreur, l’accusé ne sera pas puni.
Il y a 6 critères cumulatifs que l’accusé doit démontrer
L’erreur constitue une erreur de droit ou une erreur mixte (de fait et de droit);
L’accusé a considéré les conséquences juridiques du geste qu’il a posé;
L’avis, les consignes ou les conseils reçus par l’accusé proviennent d’une personne compétente en la matière;
L’avis reçu est raisonnable d’un point de vue objectif de la personne raisonnable;
L’avis reçu est erroné;
L’accusé a posé le geste sur la base de l’avis reçu.
Si le juge retient l’erreur de droit provoquée par l’autorité compétente, l’arrêt des procédures sera prononcé (Lévis (Ville) c. Tétreault; Lévis (Ville) c. 2629 4470 Québec inc.).
Si le juge retient plutôt la défense de diligence, l’accusé sera acquitté (Lévis (Ville) c. Tétreault; Lévis (Ville) c. 2629 4470 Québec inc.).
La provocation policière
Les tribunaux ont reconnu que les policiers ont le pouvoir de créer des occasions permettant la perpétration des crimes par la personne enquêtée. Toutefois, les policiers ne doivent pas dépasser certaines limites.
Pour soulever la provocation policière, l’accusé doit démontrer par prépondérance de preuves que les policiers ont agi au-delà de ces limites.
Exemple : insister que la personne commette des crimes ou la menacer pour la faire commettre des crimes.
Le remède à la provocation policière est l’arrêt des procédures (R. c. Mack).
Volets de la provocation policière :
Si, en l’absence de soupçons raisonnables, les autorités offrent une occasion de perpétrer un crime
Si, de mauvaise foi, les autorités offrent une occasion de perpétrer un crime
Exemple : la personne d’intérêt est choisie à la suite d’un profilage racial.
Si, en présence de soupçons raisonnables ou d’enquête, les autorités font plus que simplement offrir une occasion de commettre un crime : les autorités incitent la personne à commettre le crime, l’encouragent (R. c. Mack).
Critères non exhaustifs et non cumulatifs permettant de déterminer s’il y a eu abus de la part du corps policier :
Le type d’infraction qui fait l'objet de l’enquête et la disponibilité d'autres techniques qui auraient permis à la police de collecter la preuve de la perpétration de cette infraction;
Si la personne moyenne, avec ses points forts et ses faiblesses, se trouvant dans la situation de l’accusé, aurait été incitée à commettre le crime;
La persistance et le nombre de tentatives de la police avant que l’accusé n'accepte de commettre l’infraction;
Le type d'incitations utilisées par la police, y inclus: la tromperie, la fraude, la supercherie ou la récompense;
Le moment de la démarche de la police, en particulier si la police a déjà fait enquête au sujet de l'infraction ou si elle intervient alors que l'activité criminelle est en cours;
Si la démarche de la police présuppose l'exploitation d'émotions humaines (exemple : la compassion, la sympathie et l'amitié);
Si la police parait avoir exploité une vulnérabilité particulière d'une personne (exemple : un handicap mental ou l'accoutumance a une substance particulière);
La proportionnalité de l'implication de la police, comparée a celle de l’accusé, y compris une évaluation du degré du dommage causé ou risqué par la police, en comparaison de celui de l’accusé, et la perpétration de tout acte illégal par les policiers eux-mêmes;
L'existence de menaces, tacites ou expresses, proférées envers l’accusé par la police ou ses agents;
Si la conduite de la police cherche à saper d'autres valeurs constitutionnelles.
De minimis non curat lex
Principe : « la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance ».
Ce moyen de défense mène à un acquittement, considérant qu’il s’agit d’une réaction démesurée de l’État : les ressources dépensées par l’État sont disproportionnelles par rapport au peu d’importance de la cause.
Ce moyen de défense ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’infractions touchant des personnes vulnérables.
La suite de la série Décoder le droit criminel et pénal canadien abordera LA CLASSIFICATION DES INFRACTIONS : https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/classification-des-infractions
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