Décoder le droit criminel et pénal canadien 4 : LES PARTICIPANTS À L’INFRACTION

Claudiu Popa

Les participants à l’infraction

Les participants à l’infraction peuvent être regroupés dans 4 grandes catégories : l’auteur réel, le complice, le conspirateur et le conseiller efficace.

 

1. L’auteur réel

(article 21(1) a) Code criminel)

L’auteur réel est celui qui a commis lui-même l’acte (l’actus reus) et qui avait l’intention (la mens rea) de le faire.

Auteur réel peut être “l’auteur principal” de l’infraction ou son “co-auteur”.

Les co-auteurs sont 2 ou plusieurs personnes qui ont commis l’actus reus ensemble.

  • Il y a une participation commune, dans l’intention commune de commettre le geste prohibé (connivence).

  • Ce n’est pas une simple aide, mais une participation individuelle active à la commission du crime.

L’auteur réel peut se servir d’un tiers innocent (agent innocent) pour commettre l’infraction. Le tiers innocent ne sait pas qu’il commet un crime, ce crime ayant été orchestré par l’auteur réel. Dans ce cas, il y a 3 critères qui s’appliquent :

  • Le tiers est inconscient ou innocent. Il exécute l’ordre à son insu;

  • L’auteur réel dicte les gestes du tiers innocent;

  • L’auteur réel commet l’actus reus.

Si ces 3 critères sont remplis, le tiers innocent ne sera pas accusé ni reconnu coupable.

Lorsque l’auteur réel agit par le biais d’un agent innocent, il est alors l’auteur intellectuel de l’infraction. Lorsqu’il pose lui-même le geste prohibé, il sera considéré l’auteur matériel de l’infraction. 

2. Le complice

(articles 21(1) b), c))

Il y a 2 manières dont une personne peut être complice à une infraction : par aide ou par encouragement.

Le complice est puni au même titre que l’auteur réel de l’infraction.

 

Le complice par aide

Le complice par aide est la personne qui accomplit ou omet d’accomplir un acte en vue d’aider l’auteur réel à commettre le crime (art. 21(1) b) Code criminel).

L’actus reus de l’infraction doit être accompli par l’auteur réel.

Pour prouver la mens rea du complice par aide (soit que le complice avait l’intention d’aider l’auteur réel à comettre le crime), la poursuite doit démontrer que le complice :

  • avait connaissance des plans de l’auteur réel;

  • avait l’intention de poser un geste ou d’omettre de poser un geste;

  • avait l’intention d’aider l’auteur réel par son geste ou son omission de poser le geste.

L’aide fournie par le complice doit être directement reliée à l’accomplissement du crime (R. c. Briscoe).

  • L’aide peut survenir avant ou pendant l’acte, mais pas après.

  • Lorsque l’aide survient après l’acte, on parle alors de complicité après le fait.

  • Le complice ne doit pas nécessairement avoir fourni une aide fructueuse.

L’inaction ne constitue pas une aide, sauf si l’inaction est dans le but d’aider l’auteur réel (R. c. Dunlop).

La simple présence sur les lieux ne permet pas de conclure à une aide.

 

Le complice par encouragement

(article 21 al. 1 c) Code criminel)

Le complice par encouragement est la personne qui accomplit ou omet d’accomplir un acte qui constitue un support moral à la conduite de l’auteur réel. L’encouragement peut être exprès ou tacite. 

L’actus reus de l’infraction doit être accompli ou au moins tenté par l’auteur réel.

  • Il n’est pas nécessaire que l’auteur réel se sente encouragé.

Pour prouver la mens rea du complice par aide, la poursuite doit démontrer que le complice :

  • avait connaissance des plans de l’auteur réel;

  • avait l’intention de poser un geste ou d’omettre de poser un geste d’encouragement;

  • avait l’intention d’encourager l’auteur principal à commettre l’infraction par son geste ou son omission de poser le geste (mens rea subjective).

L’encouragement peut survenir avant ou pendant l’acte.  

Le complice par encouragement ne peut invoquer l’ignorance de la loi (article 19 Code criminel) pour se défendre.

  • Exemple : affirmer qu’il ne savait pas qu’il encourageait un comportement prohibé.

Si l’acte commis par l’auteur réel est plus grave que celui prévu initialement, le complice par encouragement peut invoquer cela pour être être déclaré coupable d’un crime moins grave.

  • Exemple : si le complice savait qu’un vol simple allait se produire, mais l’auteur réel finit par perpétrer un vol qualifié.

3. Le conspirateur

(articles 21 et 21(2) Code criminel)

Le conspirateur sera accusé de complot (article 465 Code criminel) et il peut également être accusé d’avoir participé à l’infraction principale et à des infractions connexes à l’infraction principale.

  • Il n’est pas nécessaire que l’infraction planifiée soit commise pour que le conspirateur soit accusé de complot.

 

Participant à une infraction principale

Le conspirateur peut être l’auteur principal, le co-auteur ou le complice.

  • L’entente commune de commettre l’infraction constituera un encouragement à la commission de l’infraction, en application de l’article 21(1) c) Code criminel.

Si l’infraction est tentée ou qu’elle se matérialise, les conspirateurs peuvent être accusés de complot et de l’infraction projetée (qu’elle soit tentée ou commise).

 

Pour se défendre contre des accusations visant l’infraction principale, l’accusé peut invoquer l’abandon du crime principal. Pour ce faire, l’accusé doit démontrer :

  • la volonté de se désister ou d’abandonner le projet;

  • le désistement doit être communiqué en temps utile aux autres conspirateurs;

  • la communication doit être non-équivoque;

  • la personne doit avoir pris activement des précautions ou des mesures raisonnables afin d’annuler sa participation (afin de neutraliser le plus possible sa participation).

 

Participant à une infraction connexe

Le conspirateur peut être accusé de l’infraction secondaire (connexe) au projet principal (article 21(2) Code criminel). La poursuite doit démontrer  que l’infraction connexe était objectivement prévisible (la personne devait ou aurait dû savoir qu’une infraction connexe allait être une conséquence probable de l’infraction principale).

4. Le conseiller efficace

(article 22 Code criminel)

Le conseiller est une personne qui conseille une autre à commettre une infraction :

Article 22 (1) C.cr. : Lorsqu’une personne conseille à une autre personne de participer à une infraction et que cette dernière y participe subséquemment, la personne qui a conseillé participe à cette infraction, même si l’infraction a été commise d’une manière différente de celle qui avait été conseillée.

(2) Quiconque conseille à une autre personne de participer à une infraction participe à chaque infraction que l’autre commet en conséquence du conseil et qui, d’après ce que savait ou aurait dû savoir celui qui a conseillé, était susceptible d’être commise en conséquence du conseil.

 

« Conseiller » s’entend par le fait d’amener et d’inciter la personne à commettre l’infraction (article 22(3) Code criminel).

« Conseil » s’entend par l’encouragement visant à amener ou à inciter la personne à commettre l’infraction (article 22(3) Code criminel).

  • Le conseil doit être actif;

  • Le conseil porte sur la manière de perpétrer l’acte;

  • Le conseil peut être donné en amont du crime ou pendant le crime;

  • Le conseil doit être influent, avoir une incidence sur la perpétration du crime;

  • Le conseil peut être donné à l’auteur principal ou aux complices (R. c. Cowan).

La poursuite doit prouver :

  • que la personne qui a conseillé souhaitait que l’infraction soit commise

OU

  • qu’elle avait sciemment conseillé l’infraction, étant en connaissance du risque injustifié que l’infraction conseillée serait vraisemblablement commise en conséquence de la conduite de l’auteur réel de l’infraction.

La personne qui conseille doit être consciente qu’il y a un risque important que le geste prohibé soit perpétré, et elle conseille à cet égard.

On retient la culpabilité de la personne qui a conseillé même si l’acte est perpétré d’une autre manière que celle conseillée (R. c. Cowan).

Le cas de l’organisation

(articles 22.1 et 22.2 Code criminel)

Le terme « organisation », utilisé en droit criminel canadien, est englobant.

Au sens de l’article 2 du Code criminel, l'organisation est, selon le cas, un(e) :

a) corps constitué, personne morale, société, compagnie, société de personnes, entreprise, syndicat professionnel ou municipalité;

b) association de personnes qui, à la fois :

(i) est formée en vue d’atteindre un but commun,

(ii) est dotée d’une structure organisationnelle,

(iii) se présente au public comme une association de personnes. (organization)

Une organisation peut être accusée d’infractions, on peut lui imposer des amendes (prévues à l’article 735 Code criminel), mais on ne peut pas l’emprisonner. 

Seule une personne physique peut être emprisonnée. Il est donc possible d’accuser des agents ou des cadres supérieurs d’une organisation pour les infractions commises par l’organisation.

Les termes « agent » et « cadre supérieur » sont définis à l’article 2 du Code criminel :

agent : S’agissant d’une organisation, tout administrateur, associé, employé, membre, mandataire ou entrepreneur de celle-ci. (representative)

cadre supérieur : Agent jouant un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation visée ou assurant la gestion d’un important domaine d’activités de celle-ci, y compris, dans le cas d’une personne morale, l’administrateur, le premier dirigeant ou le directeur financier. (senior officer)

La responsabilité de l’organisation dépend de la catégorie de l’infraction commise.

Le cas d’une infraction de mens rea
(de 1ère catégorie)

Pour les infractions de négligence pénale (article 22.1 Code criminel) la poursuite doit prouver :

  • que l’actus reus a été commis par un ou plusieurs agents

    et

  • que le ou les cadres supérieurs ont eu un écart marqué du comportement de la personne raisonnable.

Pour les autres infractions de mens rea subjective (article 22.2 Code criminel) la poursuite doit prouver :

  • que le cadre supérieur a participé à l’infraction;

  • que le cadre supérieur a fait intentionnellement en sorte qu’un agent participe au geste prohibé (sur demande);

    ou

  • que le cadre supérieur a laissé l’agent poser le geste prohibé

  • l’actus reus doit être accompagné de l’intention du cadre supérieur d’en faire bénéficier l’organisation, même partiellement (infraction de mens rea subjective).

 

Le cas d’une infraction de responsabilité stricte
(de 2e catégorie)

Dans le cas des infractions de responsabilité stricte, l’organisation est responsable des gestes posés par ses employés et représentants.

La poursuite a le fardeau de démontrer que :

  • l’employé ou le dirigeant a posé le geste prohibé à titre de représentant de l’organisation;

  • dans l’intérêt de l’organisation.

Moyen de défense de l’organisation :

  • la défense de diligence raisonnable (exemple : prise de mesures concrètes pour assurer la sécurité des serveurs, formations données aux employés, vérifications fréquentes des équipements, sanctions disciplinaires pour sanctionner les écarts, etc.)

    ou

  • la défense d’erreur de fait raisonnable. 

 

Le cas d’une infraction de responsabilité absolue
(de 3e catégorie)

Fardeau : la poursuite doit prouver que l’un des préposés de l’organisation a posé l’actus reus agissant dans l’intérêt de la compagnie.

La défense de diligence n’est pas admissible.

La défense d’erreur de fait raisonnable n’est pas non plus admissible.

La suite de la série Décoder le droit criminel et pénal canadien abordera LES MOYENS DE DÉFENSE : https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/moyens-de-defense

TABLE DES MATIÈRES DE LA SÉRIE :

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/introduction

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/actus-reus

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/mens-rea

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/participants-a-l-infraction

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/moyens-de-defense

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  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/moyens-de-defense-niant-l-actus-reus

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  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/moyens-de-defense-niant-la-participation

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/moyens-de-defense-normatifs

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/moyens-de-defense-fondes-sur-l-abus-de-l-etat

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/classification-des-infractions

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/vraisemblance

  • https://www.claudiu-popa.com/decoder-le-droit-criminel-et-penal-canadien/determination-de-la-peine

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